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défense à l’attaque , les rend tour-à-tour tyrans et
victimes, et convertit en champ de carnage la vaste
étendue des mers et des rivières.
Nous avons déjà compté les armes offensives et défensives
que la nature a départies à ces animaux, presque
tous condamnés à d’éternels combats. Quelques uns
d’eux ont aussi reçu , pour atteindre ou repousser leur
ennemi, une faculté remarquable: nous l’observerons
dans la raie torpille, dans un tétrodou, dans un gymnote,
dans un silure. Nous les verrons atteindre au
loin par une puissance invisible, frapper avec la rapidité
de l’éclair, mettre en mouvement ce feu électrique
qui, excité par fart du physicien, brille, éclate, brise
ou renverse dans nos laboratoires, et qui, condensé
par la nature, resplendit dans les nuages et lance la
foudre dans les airs. Cette force merveilleuse et soudaine
, nous la verrons se manifester par l’action de ces
poissons privilégiés, comme dans tous les phénomènes
connus depuis long-temps sous le nom d’électriques,
parcourir avec vitesse tous les corps conducteurs d’électricité,
s’arrêter devant ceux qui n’ont pas reçu cette
qualité conductrice, faire jaillir des étincelles*, pro-
* Depuis l ’impression de l’article de ta torpille, nous avons appris, par un
nouvel ouvrage du citoyen Galvani, que les espérances que nous avons
exposées dans l’histoire de cette raie sont déjà réalisées, que le gymnote
électrique n’est pas le seul poisson qui fasse naître des étincelles visibles.,
et que, par le moyen d’un microscope, on en a, distingué de produites par
l’électricité d’une torpille. Consultez les mémoires de Galvani adressés à
Spallanzani, et imprimés & Bologne en 1797..
SUR LA NATURE des p-o i s s o n s . exvij
duire de violentes commotions, et donner une mort
imprévue à des victimes éloignées. Transmise par les
nerfs, anéantie par la soustraction du cerveau, quoique
l’animal conserve encore ses facultés vitales, subsistant
pendant quelque temps malgré le retranchement du
coeur, nous ne serons pas étonnés de savoir qu’elle appartient
à des poissons à un degré que l’on n’a point
observé encore dans les autres êtres organisés, lorsque;
nous réfléchirons que ces animaux sont imprégnés
d’une grande quantité de matière huileuse, très-analogue
aux résines et aux substances dont le frottement
fait naître tous les phénomènes de l’électricité *. ,
On a écrit que plusieurs espèces de poissons avoient
reçu, à la place de la vertu électrique, la funeste propriété
de renfermer un poison actif. Cependant, avec
quelque soin que nous ayons examiné ces espèces, nous
n’avons trouvé ni dans leurs dents, ni dans leurs aiguillons,
aucune cavité, aucune conformation analogues à
celles que l’on remarque, par exemple, dans les dents de
la couleuvre vipère, et qui sont propres à faire pénétrer
uneliqueur délétère jusques aux vaisseauxsanguins d’un
animal blessé; nous n’avons vu, auprès de ces aiguillons
ni de ces dents, aucune poche, aucun organe contenant
lin suc particulier et vénéneux; nous n’avons pu découvrir
dans les autres parties du corps aucun résec- ,
yoir de matière corrosive, de substance dangereuse;
* Voyez.l’article de la torpille, etsur-tout celui du gymnote électrirjfie„