on accoutume les truites, les carpes et les tanches, h
se rassembler au son d’une cloche, et à venir prendre
la nourriture qu’on leur destine *. On a même observé
assez souvent ces habitudes, pour savoir que les espèces
qui ne se contentent pas de débris! d’animaux ou de
végétaux trouvés dans la fange, ni même de petits vers,
ou d’insectes aquatiques, s’apprivoisent plus promptement,
et s’attachent, pour ainsi dire, davantage à la
main qui les nourrit, parce que, dans les bassins où pn
les renferme, ils ont plus besoin d’assistance pour-ne
pas manquer de l’aliment qui leur est nécessaire.
A la vérité, leur organisation ne leur permet de faire:
entendre aucune voix ; ils ne peuvent proférer aucun
c r i, ils n’ont reçu aucun véritable instrument sonore ;
et s’il est quelques uns de ces animaux dans lesquels la
crainte ou la surprise produisent une sorte de bruit,
ce n’est qu’un bruissement assez sourd, un sifflement
imparfait occasionné par les gaz qui.sortent avec vitesse
de leur corps subitement comprimé, et qui froissent
avec plus oü moins de forcetles bords des ouvertures-
par lesquelles ils- s’échappent. On ne peut pas croire
non plus que pe formant ensemble aucune véritable
société, ne s’entraidant point dans leurs besoins ordinaires
, ne chassant presque jamais avec concert, ne se
* Nierembergius , Histor. natur. lib. 3.
Georg. Segerus, JÉphémér. des Curieux de la nature} années i 6y3 et 4 " 4-.
ebserv. 145.
Blocb, Hist. dés poissons.
recherchant en quelque sorte que pour se nuire, vivant
dans un état perpétuel de guerre, ne s’occupant que
d’attaquer nu de se défendre,' et ne devant avertir ni
leur proie de leur approche, ni leur ennemi de leur
fuite , ils aient ce langage imparfait, cette sorte de
pantomime que l’on remarque dans un grand nombre
d’animaux, et qui naît du besoin de se communiquer des
sensations très-variées. Le sens de l’ouïe et celui de la vue
sont donc à peine pour eux ceux de la disciplinevDe plus,
nous avons vu que leur cerveau étoit petit, que leurs
nerfs étoientgros; et l ’intelligence paraît être en raison
de la grandeur du cerveau, relativement au diamètre
des nerfs. Le sens du goût est aussi très-émoussé dans
ces animaux ; mais c’est celui de la brutalité. Le sens du
toucher , qui n’est pas très-obtus dans les poissons, est
au contraire celui des sensations précises. La vue est
celui de l ’activité, et leurs jeux ont été organisés d’une
manière très-analogue au fluide qu’ils habitent. Et
enfin, leur odorat est exquis; l’odorat, ce sens qui sans
doute est celui des appétits violens, ainsi que nous le
prouvent les squales, ces féroces tyrans des mers, mais
qui, Considéré, par exemple, dans l’homme, a été regardé
avec tant de raison par un philosophe célèbre,
par J. J. Rousseau, comme le sens de l’imagination, et
qui, n’étant pas moins celui des sensations douces et
délicates, celui des tendres:souvenirs, est encore celui
que le poète de l’amour a recommandé de chercher à
séduire dans l’objet d’une vive affection.