dans la baudroie, des traits de l’espèce humaine. On a
sur-tout métamorphosé en mains d’homme marin ses nageoires
jugulaires; et, il faut en convenir, la forme de.ces
nageoires, ainsi que les attaches de celles de la poitrine,
pouvoient non pas présenter à un naturaliste exact,
mais rappeler à un observateur superficiel, quelque partie
de l’image de l’homme. Quel contraste néanmoins
que celui de cette image auguste avec toutes celles que
réveille en même temps la vue de la baudroie! Cette
forte antipathie qu’inspire la réunion monstrueuse de
l’être le plus parfait que la nature ait créé, avec le plus
hideux de ceux que sa main puissante a, pour ainsi dire,
laissé échapper, ne doit-on pas l’éprouver: en retrouvant
dans la baudroie une espèce de copie , bien informe
sans doute, mais cependant un peu reconnoissable,
du plus noble des modèles, auprès d’une tête excessivement
grosse, et d’une gueule énorme presque entièrement
semblable à celle d’une grenouille, ou plutôt
d’un crapaud horrible et démesuré? On croiroit que
cette tête disproportionnée qui a fait donner à la baudroie
le nom de grenouille fde mer, placée au devant
d’un corps terminé par une queue et doué en apparence
dé'mâins ou de pieds d’homme , surmontée par de
longs filamens qui imitent des cornesi et toute entourée
d’appendices vermiculaires,a fait de la grande lophie qui
nous occupe , le type de ces images ridicules de démons
et de lutins par lesquelles une pieuse crédulité ou une
coupable fourberie ont effrayé pendant tant de siècles
l’ignorance superstitieuse et craintive, et de ces représentations
comiques avec lesquelles la riante poésie a su
égayer même l’austère philosophie. Aussi la baudroie
a - t -e lle souvent fait naître une sorte de curiosité
inquiète dans l’ame des observateurs peu instruits qui
l’ont vue pour la première fois, sur-tout lorsqu elle est
parvenue à son entier développement et qu elle a
atteint une longueur de plus de deux métrés, ou de
près de sept pieds. Elle a été appelée diable de merj et
sa dépouille , préparée de manière à être très-transparente
, et rendue lumineuse par une lampe allumée
renfermée dans son intérieur, a servi plusieurs fois à
faire croire des esprits foibles à de fantastiques apparitions.
L’intérieur de la bouche est garni d’un grand nombre
de dents longues, crochues et aiguës, comme dans
toutes les lophies. Mais on en voit non seulement à la
mâchoire supérieure, où elles forment trois rangées, et
à la mâchoire inférieure, où elles sont disposées sur deux
rangs, et où celles de derrière peuvent se baisser en arrière,
mais encore au palais, et sur deux cartilages très-
durs et alongés placés auprès du gosier. La langue, qui
est large, courte et épaisse, est hérissée de dents semblables;
et l’on apperçoit d’autant plus aisément cette
multitude de dents plus ou moins recourbées, cette
distribution de ces crochets sur la langue, au gosier, sut
le palais et aux mâchoires, et tout cet arrangement qui
est soumis pour la première fois à notre examen, que