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Ils sont tourmentés par des insectes et des vers de plusieurs
espèces qui se logent dans leurs intestins, ou
qui s’attachent à leurs branchies. Une mauvaise nourriture
les incommode. Une eau trop froide, provenue
d’une fonte de neige trop rapide, une eau trop peu
souvent renouvelée et trop imprégnée de miasmes
nuisibles, ou trop chargée de molécules putrides, ne
fournissant à leur sang que des principes insufBsans
ou funestes, et aux autres parties de leur corps, qu’un
aliment trop peu analogue à leur nature, leur donne
différens maux très-souvent mortels , qui se manifestent
par des pustules ou par des excroissances. Des ulcères
peuvent aussi être produits dans leur foie et dans plusieurs
autres de leurs organes intérieurs; et enfin une
longue vieillesse les rend sujets à des altérations et à
des dérangemens nombreux et quelquefois délétères.
Malgré ces diverses maladies qui les menacent, et
dont nous traiterons de nouveau en nous occupant de
l'éducation des poissons domestiques, malgré les acci-
dens graves et fréquens auxquels les exposent la place
qu’occupe leur moelle épinière, et la nature du canal
qu’elle parcourt, ces animaux vivent pendant un très-
grand nombre d’années, lorsqu’ils ne succombent pas
sous la dent d’un ennemi, ou ne tombent pas dans
les filets de l’homme. Des observations exactes prouvent,
en effet, que leur vie peut s’étendre au-dejà de
deux siècles ; plusieurs renseignemens portent même
a croire qu’on a vu des poissons âgés de près de trois
SUR LA NATURE DES POISSONS. CXXXV
cents ans. Et comment les poissons ne seroient-ils pas
à l’abri de plusieurs causes de mort naturelles ou accidentelles?
Comment leur vie ne seroit-elle pas plus
longue que celle de tous les autres animaux? Ne pouvant
pas connoître l’alternative de l’humidité et de la
sécheresse, délivrés le plus souvent des passages subits de
la chaleur vive à un froid rigoureux, perpétuellement
entourés d’un fluide ramollissant, pénétrés d’une huile
abondante, composés de portions légères et peu compactes
, réduits à un sang peu échauffe , foiblement
animés par quelques uns de leurs sens, soutenus par
l’eau au milieu de presque tous leurs mouvemens,
changeant de place sans- beaucoup d’efforts, peu agités
dans leur intérieur, peu froissés à l’extérieur, en tout
peu fatigués, peu usés, peu altérés, ne doivent-ils pas
conserver très-long-temps une grande souplesse dans
leurs parties, et n’éprouver que très-tard cette rigidité
"des fibres, cet endurcissement des solides, cette
obstruction des canaux, que suit toujours la cessation
de la vie? D’ailleurs, plusieurs de leurs organes, plus
indépendans les uns des autres que ceux des animaux
à sang chaud, moins intimement liés avec-des centres
communs, plus ressemblais par là à ceux des végétaux,
peuvent être plus profondément altérés, plus gravement
blessés, et plus complètement détruits, sans que" ces
accidens leur donnent la mort. Plusieurs de leurs
parties peuvent même être reproduites lorsqu’elles ont
été emportées , et c’est un nouveau trait de ressem