C’est aussi de cette huile, dont l’intérieur; même des
poissons est abreuvé, que dépend la transparence plus
ou moins grande que présentent ces animaux dans des
portions de leur corps souvent assez étendues, et même
quelquefois un peu épaisses. Ne sait-on pas, en effet,
que pour donner à une matière ce degré d’homogénéité
qui laisse passer assez de lumière pour produire la
trausparence, il suffît de parvenir à l’imprégner d’une
huile quelconque? et ne le voit-on pas tous les jours
dans les papiers huilés avec lesquels on est souvent
forcé de chercher à remplacer le verre?
Un autre phénomène très-digne (d’attention doit
être rapporté à cette huile, que l’art sait si bien et
depuis si long-temps extraire du corps des poissons;
c’est leur phosphorescence. En effet, non seulement
leurs cadavres peuvent , comme tous les animaux et
tous les végétaux qui se décomposent, répandre, par
une suite de leur altération et des diverses combinaisons
que leurs principes éprouvent, une lueur blanchâtre
que tout le monde connoît ; non seulement ils
peuvent pendant leur vie, et particulièrement dans les
contrées torrides, se pénétrer pendant le jour d’une
vive lumière solaire qu’ils laissent échapper pendant
la nuit, qui les revêt d’un éclat très-brillant, et en
quelque sorte d’une couche de feu, et qui a été si bien
observée dans le Sénégal parle eitojen Adanson; mais
encore ils tirent de cette matière huileuse, qui s’insinue
dans toutes leurs parties , et qui est un de leurs élémens,
la faculté de paroître revêtus, indépendamment
de tel ou tel temps et de telle ou telle température,
d’une lumière qui, dans les endroits où ils sont réunis
en très-grand nombre, n’ajoute pas peu au magnifique
spectacle que présente la mer lorsque les différentes
causes qui péuvent en rendre la surface phosphorique
agissent ensemble et se déploient avec force . Ils augmentent
d’autant plus la beauté de cette immense illumination
que la poésie a métamorphosée en appareil
de fête pour les divinités des eaux, que leur clarté
paroît de très-loin, et qu’on Fapperçoit très-bien lors
même qu’ils sont à d’assez grandes profondeurs. Nous
tenons d’un de nos plus savans confrères, le citoyen
Borda, que des poissons nageant à près de sept mètres
au dessous de la surface d’une mer calme ont été vus
très-phosphoriqu es.
Cette huile ne donne pas uniquement un vain éclat
aux poissons ; elle les maintient au milieu de l’eau
contre l’action altérante de ce fluide. Mais, indépendamment
de cette huile conservatrice , une substance
visqueuse, analogue à cette matière huileuse, mais qui
en diffère par plusieurs caractères et par conséquent
par la nature ou du moins par la proportion des principes
qui la composent, est élaborée dans des vaisseaux
particuliers, transportée sous les tégumens extérieurs, *
* Des poissons qu’on fait bouillir dans de l’eau, la rendent quelquefois
pbosphorique. (Observation du docteur Bealej Trans, philosopha an 1666.)