3 9 4 H I S T O I R E n a t u r e l l e
considérer que comme un monstre, et doivent la faire
observer avec un intérêt encore plus soutenu.
On a assimilé en quelque sorte sa tête à celle du
lion. On a voulu, en conséquence, la couronner comme
celle de ce dernier et terrible quadrupède. Le lion
a été nommé le roi des animaux. On a donné aussi
un empire à la chimère ; et si on n’a pu- supposer sa
puissance établie que sur une seule espèce, on l’a fait
régner sur une des plus nombreuses, et plusieurs
auteurs l’ont appelée le roi des harengs, dont elle agite
et poursuit les immenses colonnes.
On ne connoît encore dans le genre de la chimère que
deux espèces; l’arctique dont nous nous occupons, et
celle à laquelle nous avons donné le nom d’antarctique.
Leurs dénominations indiquent les contrées du globe
qu’elles habitent: et c’est encore un fait digne d’être
observé, que ces deux espèces, qui ont de très-grands
rapports dans leurs formes et dans leurs habitudes ,
soient séparées sur le globe par les plus grands intervalles
; que l’une ne se trouve qu’au milieu des mers
qui environnent le pôle septentrional, et qu’on ne rencontre
l’autre que dans les eaux situées auprès du pôle
antarctique, et particulièrement dans la partie de la
mer du sud qui avoisine ce dernier pôle. On diroit
qu’elles se sont, partagé les zones glaciales. Aucune
dé ces deux espèces ne s’approche que rarement des
contrées tempérées ; elles ne se plaisent, pour ainsi dire,
qu’au milieu des montagnes de glace, et des tempêtes
qui bouleversent si souvent les plages polaires; et si
1 antarctique s’avance, au milieu des flots de la mer
du sud, beaucoup plus près des tropiques, que la chimère
arctique au milieu des ondes agitées de l’Océan
boréal, c’est que l’hémisphère austral, plus froid que
celui que nous habitons, offre une température moins
chaude à une égale distance de la ligne équatoriale,
et que la chimère antarctique peut trouver dans cet
hémisphère, quoiqu à une plus grande proximité de la
zone torride, le meme degré de froid, la même nature
ou la meme abondance d alimens, et les mêmes facilités
pour la fécondation de ses oeufs, que dans l’hémisphère
septentrional.
Mais, avant de parler plus au long de cette espèce
antarctique, continuons de faire connoître la chimère
qui habite dans notre hémisphère, qui, de loin, ressemble
beaucoup à un squale, et qui parvient au moins
à trois pieds de longueur.
Le corps de la chimère arctique est un peu comprime
par les cotés, tres-alongé, et va en diminuant très-
sensiblement de grosseur depuis les nageoires pectorales
jusqu’à l’extrémité de la queüe. La peau qui la
revêt est souple, lisse, et présente des écailles si petites,
quelles échappent, pour ainsi dire, au toucher, et
cependant si argentées, que tout le corps de la chimère
brille d un-éclat assez vif. Quelquefois des taches brunes,
répandues sur ce fond, en relèvent la blancheur-
La tête est grande, et représente une sorte de pjra