d'audace , nous dirions : Ce n’est pas assez de nous
étendre dans l’espace : il faut encore remonter dans le
temps; il faut encorfe nous transporter à l’origine des
êtres; il faut voir ce qu'niât été dans les âges anté-
rieurs les espèces, les familles que nous allons décrire;
il faut juger de cet état primordial par les vestiges
qui en restent, par les monumens contemporains qui
sont encore debout; il faut montrer les changemens
successifs par lesquels ont passé toutes les formes, tous
les organes, toutes les forces que nous allons comparer;
il faut annoncer ceux qui les attendent encore : la
nature, en effet, immense dans sa durée comme dans
son étendue, ne se compose-t-elle pas de tous les mo-
mens de l’existence, comme de tous les points de l’espace
qui renferme ses produits?
Dirigeons donc notre vue vers ce fluide qui couvre
une si grande partie de la terre : il sera, si je puis parler
ainsi, nouveau pour le naturaliste qui n’aura eneore
choisi pour objet de ses méditations que les animaux
qui vivent sur la surface sèche du globe, ou s’élèvent
dans l’atmosphère.
Deux fluides sont les seuls dans le sein desquels il ait
été permis aux êtres organisés de vivre, de croître, et
de se reproduire; celui qui compose l’atmosphère, et
celui qui remplit les mers et les rivières. Les quadrupèdes,
les oiseaux, le^gptiles, ne peuvent conserver
leur vie que par le mdyen du premier ; le second est
nécessaire à tous les genres de poissons. Mais il y a
S U R L A N A T U R E D E S P O I S S O N S . Vij
bien plus d’analogie, bien plus de rapports conservateurs
entre l’eau et les poissons, qu’entre l’air et les
oiseaux ou les quadrupèdes. Combien de fois , dans le
cours de cette histoire, ne serons-nous pas convaincus
de cette vérité ! et voilà pourquoi, indépendamment
de toute autre cause, les poissons sont de tous les
animaux à sang rouge ceux qui présentent dans leurs
espèces le plus grand nombre d’individus, dans leurs
couleurs l’éclat le plus vif, et dans leur vie la plus
longue durée.
Fécondité, beauté, existence très-prolongée, tels
sont les trois attributs remarquables des principaux
habitans des eaux: aussi l’ancienne mjthologie grecque,
peut-être plus éclairée qu’on ne l’a pensé sur les principes
de ses inventions, et toujours si riante dans ses
images, a-t-elle placé au milieu des eaux le berceau
de la déesse des amours, et représenté Vénus sortant
du sein des ondes au milieu de poissons resplendissans
d’or et d’azur, quelle lui avoit consacrés *. Et que l’on
ne soit pas étonné de cette allégorie instructive autant
que gracieuse : il paroît que les anciens Grecs «voient
observé les poissons beaucoup plus qu’ils n’avoient
étudié les autres animaux ; ils les connoissoient mieux;
ils les préféroient, pour leur table, même à la plupart
des oiseaux les plus recherchés. Us ont transmis cet
examen de choix , cette connoissance particulière, et
Voyez particulièrement l ’article du coryphène dovadoiir