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bution, la nuance et l’opposition de leurs couleurs
ont souvent servi de modèle au goût délicat, préparant
pour la beauté les ornemens les plus propres à
augmenter le don de plaire.-
Et que l’on ne soit pas étonné de cette empreinte de
la magnificence de la nature, que l’on voit sur les différentes
espèces de balistes : c’est dans les climats les
plus chauds qu’elles habitent. Excepté une seule de ces
espèces, que l’on trouve dans le bassin de la Méditerranée,
elles n’ont été encore vues que dans ces contrées
équatoriales, où des flots de lumière et toutes les influences
d’une obaleur.productive pénètrent, pour ainsi
dire, et l’air, et la terre, et les eaux; où volent dans
l’atmosphère les oiseaux-mouches, ceux de paradis, les
colibris, les perroquets, et tant d’autres oiseaux richement
décorés; où bourdonnent au milieu des plus
belles fleurs tant d’insectes resplendissans d’or, de
verd et d’azur; où les teintes de l’arc-en-ciel se dé-
ploientçavec tant d’éclat sur les écailles luisantes des
serpensi et- des quadrupèdes ovipares ; et où, jusqu’au
sein de la terre , se forment ces diamans et ces
pierres précieuses, que l’art sait faire briller de tant de
feux diversement colorés. Les baliste sont aussi reçu une
part distinguée des dons de la chaleur et de la lumière
répandues dans les mers, équatoriales, aussi-bien que
sur les continens dont ces mers arrosent les bords.
Ils ajoutent d’autpnt plus, sur ces pljges échauffées par
un soleil toujours voisin, à la pompe du spectacle qu’j
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présentent les eaux et tout ce qu’elles recèlent, qu’ils
forment des troupes très-nombreuses. Chaque espèce
de baliste renferme en effet beaucoup d’individus ; et
le genre entier de ces beaux poissons contient tant d’espèces
, qu’un des naturalistes les plus habiles et les
plus exercés à ordonner avec convenance et à observer
avec fruit des légions d’animaux, le célèbre Commer-
son, s’écrie dans son ouvrage*, en traitant des balistes:
Quelle vie pourvoit suffire pour décrire, pour comparer,
pour bien conmuLre tous ceux que l’on a déjà vus?
Mais sachons quelles sont les formes sur lesquelles
la nature a disposé les couleurs diversifiées dont nous
venons de parler. Examinons-en quoi consistent les
moyens de défense dont les balistes sont pourvus.
Leur corps est très-comprimé par les côtés, et se
termine le plus souvent, le long du dos et sous le ventre,
par un bord aigu que l’on a comparé à une carène. Il
est tout couvert de petits tubercules, ou d’écailles très-
dures, réunis par grouppes, distribués par comparti-
mens plus ou moins réguliers , et fortement attachés à
un cuir épais. Ce tégument particulier revêt non seulement
le corps proprement dit des balistes, mais encore
leur tête, qui paroît le plus souvent peu distincte
du corps; et il cache ainsi tout l’animal sous une sorte
de cuirasse et de casque, que des dents très-acérées
ont beaucoup de peine à percer. Mais, indépendamment
* Manuscrits déjà cités.