C’est avec les oeufs que les femelles de cette espèce
pondent en très-grande quantité, au commencement
du retour des chaleurs, que les habitans des rives des
mers Noire et Caspienne, et des grandes rivières qui
s y jettent, composent ces préparations connues sous
le nom de caviar, et plus ou moins estimées, suivant
que les oeufs, qui en font la base, ont été plus ou moins
bien choisis, nettoyés, maniés, pressés, mêlés avec du
sel ou d’autres ingrédiens. Au reste, l’on se représentera
aisément lé grand nombre de ces oeufs, lorsqu’on
saura que le poids des deux ovaires égale presque le
tiers du poids total de l’animal, et que ces ovaires ont
pesé jusqu’à huit cents livres dans un huso femelle qui
en pesoit deux mille huit cents.
Ce n’est cependant pas uniquement avec, les oeufs du
huso que l’on fait le caviar : ceux des autres acipen-
sères servent à composer cette préparation. Outre les
oeufs noirs de ces cartilagineux, on pourrait même
employer dans la fabrication du caviar, selon M. Gul-
denstaedt, les oeufs jaunes d’autres grands poissons,
comme du brochet, du sandat, de la carpe, de la
brème, et d’autres cyprins appelés en russeyaze, be-
resna, ou jerègh, et virezou, dont la pêche est très-abondante
dans le bas des fleuves de la Russie méridionale,
l’Oural, le Volga, le Terek, le Don , et le Dniéper *.
Mais ce n’est pas seulement pour ses oeufs que le
* Guldenstaedt, Discours sur les -productions de Russie ; Pélersbourg,
1776; page 1 1 .
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huso est recherché ; sa chair est très-nourrissante, très-
saine , et très-agréable au goût. Aussi est-il peu de
poissons qui aient autant exercé l’industrie et animé
le commerce des habitans des côtes maritimes ou des
bords des grands fleuves, que l’acipensère dont nous
nous Occupons. On emploie, pour le prendre, divers
procédés qu’il est bon d’indiquer, et qui ont été décrits
très en détail par d’habiles observateurs. Le célèbre
naturaliste de Russie, le professeur Pallas, nous a particulièrement
fait connoître la manière dont on pêche
le huso dans le Volga et dans le Jaïck, qui ont leurs
embouchures dans la mer Caspienne. Lorsque le temps
pendant lequel les acipensères remontent de la mer
dans les rivières est arrivé, on construit, dans certains
endroits du Volga ou du Jaïck, une digue composée
de pieux, et qui ne laisse aucun intervalle assez grand
pour laisser passer le huso. Cette digue forme, vers son
milieu, un angle opposé au courant, et par conséquent
elle présente un angle rentrant au poisson qui remonte
le fleuve, et qui , cherchant une issue au travers de
l’obstacle qui l’arrête , est déterminé à s’avancer vers le
sommet de cet angle. A ce sommet est une ouverture
qui conduit dans une espèce de chambre ou d’enceinte
formée avec des filets sur la fin de l’hiver, et avec des
claies d’osier pendant l’été. Au dessus de l’ouverture
est une sorte d'échafaud sur lequel des pêcheurs s’établissent.
Le fond de la chambre est, comme l’enceinte,
fl’osier ou de filet, suivant les saisons, et peut être levé
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