dans ses forces, quoiqu’il ne reçoive cependant qu’une
quantité extrêmement petite de matière nouvelle: mais
qu’il s’étende, qu’il grossisse, qu’il présente des dimensions
plus grandes et une masse plus pesante, quoique
n’ajant pris depuis un très-long temps aucun aliment,
quoique n’ajant introduit depuis plus d’un an dans son
corps aucune substance réparatrice et nutritive , on ne
peut le comprendre. Il faut donc qu’une matière véritablement
alimentaire maintienne et accroisse la substance
et les forces des poissons pendant le temps plus
ou moins long où l’on est assuré qu’ils ne prennent d’ailleurs
aucune portion de leur nourriture ordinaire ;
cette matière les touche, les environne , les pénètre
sans cesse. U n’est en effet aucun phjsicien qui ne sache
maintenant combien l’eau est nourrissante lorsqu’elle a
subi certaines combinaisons, et les phénomènes delà
panification, si bien développés par les chjmistes modernes,
en sont sur-tout une très-grande preuve *.
Mais c’est au milieu de cette eau que les poissons sont
continuellement plongés; elle baigne toute leur surface;
elle parcourt leur canal intestinal; elle remplit
plusieurs de leurs cavités; et, pompée par les vaisseaux
absorbans, ne peut-elle pas éprouver, dans les glandes
qui réunissent le sjstême de ces vaisseaux, ou dans
d’autres de leurs organes intérieurs, des combinaisons
et décompositions telles, qu’elle devienne une véritable
* Nous citerons particulièrement les travaux de notre confrère le citoyen
Parmentier.
SUR LÀ NATURE DES POISSONS,
substance nutritive et augmentative de celle des poissons?
Voilà pourquoi nous voyons des carpes suspendues
hors de l’eau, et auxquelles on ne donne aucune nourriture,
vivre long-temps, et même s’engraisser d’une
manière très-remarquable, si on les arrose fréquemm
ent, et si on les entoure de mousse ou d’autres
végétaux qui conservent une humidité abondante sur
toute la surface de ces animaux *.
Le fluide dans lequel les poissons sont plongés, peut
donc non seulement les préserver de cette sensation
douloureuse que l’on a nommée soif, qui provient de
la sécheresse de la bouche et du canal alimentaire, et
qui par conséquent ne doit jamais exister au milieu deè
eaux, mais encore entretenir leur vie, réparer leurs
pertes, accroître leur substance; et les voilà liés, par de
nouveaux rapports, avec les végétaux. Il ne peut cependant
pas les délivrer, au moins totalement, du tourment
de la faim : cet aiguillon pressant agite sur-tout les
grandes espèces, qui ont besoin d’alimens plus copieux,
plus actifs et plus souvent renouvelés; et telle est la cause
irrésistible qui maintient dans un état de guerre perpétuel
la nombreuse classe des poissons, les fait continuellement
passer de l’attaque à la défense et de la
* On pourroit expliquer de même l’accroissement que l’on a vu prendre
pendant des jeûnes très-prolongés, à des serpens et à quelques quadrupèdes
ovipares, qui, à la vérité, ne vivent pas dans le sein des eaux, mais habitent
ordinairement au milieu d’une atmosphère chargée de vapeurs aqueuses, et
qui auront puisé dans l’humidité de l’air une nourriture semblable à celle
que les poissons doivent à l’eau douce ou salée.