histoire, les squales qui n’ont pas d’évents, et qui ont
une nageoire de l’anus.
Au reste, les espèces de squales, ne diffèrent dans
leurs formes et dans leurs habitudes que par un petit
nombre de points. Nous indiquerons ces points de
séparation dans des articles particuliers; mais c’est en
nous occupant du plus redoutable des squales, que
nous allons tâcher de présenter en quelque sorte l’ensemble
des habitudes et des formes du genre. Le requin
va être, pour ainsi dire, le type de la famille entière;
nous allons le considérer comme le squale par excellence,
comme la mesure générale à laquelle nous rapporterons
les autres espèces ; et l’on verra aisément
combien cette sorte de prééminence due à la supériorité
de son volume, de sa force et de sa puissance, est
d’ailleurs fondée sur le grand nombre d’observations
dont la curiosité et la terreur qu’il inspire, l’ont rendu
dans tous les temps l’objet.
Ce formidable squale parvient jusqu’à une longueur
de plus de dix mètres (trente pieds ou environ); il pèse
quelquefois près de cinquante myriagrammes (mille
livres) '; et il s’en faut de beaucoup que l’on ait prouvé
que l’on doit regarder comme exagérée, l’assertion de
ceux qui ont prétendu qu’on avoit pêché un requin du
poids de plus de cent quatre-vingt-dix mjriagrammes
(quatre mille livres) \
* Rondelet, à l* endroit déjà cité\
a Gillius, dans Ray 5 et d’autres auteurs.
Mais la grandeur n’est pas son seul attribut : il a
reçu aussi la force , et des armes meurtrières ; et, féroce
autant que vorace, impétueux dans ses mouvemens,
avide de sang, et insatiable de proie, il est véritablement
le tigre de la mer. Recherchant sans crainte tout
ennemi, poursuivant avec plus d’obstination, attaquant
avec plus de rage, combattant avec p^us d’acharnement,
que les autres habitans des eaux ; plus dangereux
que plusieurs cétacées, qui presque toujours sont moins
puissans que lui; inspirant même plus d’effroi que les
baleines, qui, moins bien armées, et douées*d’appétits
bien différens, ne provoquent presque jamais ni
l’homme ni les grands animaux; rapide dans sa course,
répandu sous tous les climats, ayant envahi, pour ainsi
dire, toutes les mers; paroissant souvent au milieu des
tempêtes; apperçufacilement, par l’éclat phosphorique
dont il brille, au milieu des ombres des nuits les plus
orageuses; menaçant de sa gueule énorme et dévorante
les infortunés navigateurs exposés aux horreurs du
naufrage, leur fermant toute voie de salut, leur montrant
en quelque sorte leur tombe ouverte, et plaçant
sous leurs yeux le signal de la destruction, il n’est pas
surprenant qu’il ait reçu le nom sinistre qu’il porte, et
qui, réveillant tant d’idées lugubres, rappelle sur-tout
la mort, dont il est le ministre. Requin est en effet
une corruption de requiem, qui désigne depuis longtemps,
en Europe, la mort et le repos éternel, et qui a
dû être souvent, pour des passagers effrayés, l’expression