s’élancent dans l’atmosphère pour échapper à une
poursuite funeste, frappent l’air par une grande surface,
avee beaucoup de rapidité, et, par un déploiement
d’instrument ôu une -vitesse d’action moindres
dans un sens que dans un autre, se soutiennent pendant
quelques momens au dessus des eaux, et ne
retombent dans leur fluide natal qu’après avoir parcouru
une courbe assez longue. Il est des plages où ils
fuient ainsi en troupe et où ils brillent d’une lumière
pbosphorique assez sensible, lorsque c’est au milieu
de l’obscurité des nuits qu ils s’efforcent de se dérober
a la mort. Ils représentent alors, par leur grand nombre,
une sorte de nuage enflammé, ou, pour mieux dire,
de pluie de feu ; et l’on diroit que ceux qui, lors de l'origine
des mythologies, ont inventé le pouvoir magique
des anciennes enchanteresses, et ont placé le palais et
l-’empire de ces redoutables magiciennes dans le sein
ou auprès des ondes, connoissoient et ces légions lumineuses
de poissons voians, et cet éclat pbosphorique
de presque tous les poissons, et cette espèce de foudre
que lancent les poissons électriques.
Ce n’est donc pas seulement dans le fond des eaux,
mais sur la terre et au milieu de l’a ir, que quelques
poissons peuvent trouver quelques momens de sûreté.
Mais que-cette garantie est passagère! Qu’en tout les
moyens de défense sont inférieurs à ceux d’attaque !'
Quelle dévastation s’opère à chaque instant dans les.
mers et dans les fleuves! Combien d’embryons anéantis,
d’individus dévorés ! Et combien d’espèces disparoî-
troient, si presque toutes n’avoient reçu la plus grande
fécondité, si une seule femelle, pouvant donner la vie
à plusieurs millions d’individus, ne sufBsoit pas pour
réparer d’immenses destructions! Cette fécondité si remarquable
commence dans les femelles lorsqu’elles sont
encore très-jeunes; elle s’accroît avec leurs années, elle
dure pendant la .plus grande partie d’une vie qui peut
être très-étendue ; et si l’on ne compare pas ensemble
des poissons qui viennent au jour d’une manière différente,
c’est-à-dire ceux qui éclosent dans le ventre
de la femelle, et ceux qui sortent d’un oeuf pondu, on
verra que la nature a établi, relativement à ces animaux,
une loi bien différente de celle à laquelle elle a soumis
les quadrupèdes, et que les plus grandes espèces sont
celles dans lesquelles on compte le plus grand nombre
d’oeufs. La nature a donc placé de grandes sources de reproductions
où elle a allumé la guerre la plus constante
et la plus cruelle ; mais l’équilibre nécessaire entre le
pouvoir qui conserve, et la force consommatrice qui
n’en est que la réaction, ne pourroit.pas subsister, si
la nature, qui le maintient, négligeoit, pour ainsi dire,
la plus courte durée ou la plus petite quantité. Ce
n’est que par cet emploi de tous les instans et de tous
les efforts qu’elle met de légalité entre les plus petites
et les plus grandes puissances : et n’est-ce pas là lé secret
de cette supériorité d’action à laquelle l’art de l’homme
ne peut atteindre que lorsqu’il a le temps à son commandement?