celte sorte de prédilection, non seulement aux Grecs
modernes, qui les ont conservés long-temps', mais
encore aux Romains, chez lesquels on les remarquoit,
lors même que la servitude la plus dure, la corruption
la plus-vile, et le luxe le plus insensé, pesoient sur la
tête dégradée du peuple qui avoit conquis le monde5;
ils dévoient les avoir reçus dès antiques nations de
l'Orient, parmi lesquelles ils subsistent encore3 : la
proximité de plusieurs côtes et la nature des mers qui
baignoient leurs rivages les leur auroient d’ailleurs
inspirés; et on diroit que ces goûts, plus liés qu’on ne
le croiroit avec les progrès de la civilisation, n’ont
entièrement disparu en Europe et en Asie que dans
ces contrées malheureuses où les hordes barbares de
sauvages chasseurs sortis de forêts septentrionales
purent domter par le nombre, en même temps que par
la force, les habitudes, les idées et les affections des
vaincus..
Mais, en contemplant tout l’espace occupé par ce
fluide au milieu duquel se meuvent les poissons, quelle
étendue nos regards n’ont-ils pas à parcourir ! Quelle
immensité , depuis l’équateur jusqu’aux deux pôles de
la terre, depuis la surface de l’Océan jusqu’à ses plu$
grandes profondeurs ! Et indépendamment des vastes *
1 Bellon, lie. I , ch. 62.
* Horace, Juvénal, Martial, Pline.
» JLisez les différentes descriptions des Indes, et sur-tout celles de la Chine.
mers, combien de fleuves, de rivières, de ruisseaux,
de fontaines, et, d’un autre côté, de lacs, de marais,
d’étangs, de viviers, de mares même, qui renferment
une quantité plus ou moins considérable des animaux
que nous voulons examiner! Tous ces lacs, tous ces
fleuves, toutes ces rivières, réunis à l’antique Océan,
comme autant de parties d’un même tout, présentent
autour du globe une surface bien plus étendue que
les continens qu’ils arrosent, et déjà bien plus connue
que ces mêmes continens, dont l’intérieur n’a répondu
à la voix d’aucun observateur, pendant que des vaisseaux
conduits par le génie et le courage ont sillonné
toutes les plaines des mers non envahies par les glaces
polaires.
De tous les animaux à sang rouge, les poissons sont
donc ceux dont le domaine est le moins circonscrit.
Mais que cette immensité, bien loin d’effrayer notre
imagination, l’anime et l’encourage. Et qui peut le
mieux élever nos pensées, vivifier notre intelligence,
rendre le génie attentif, et le tenir dans cette sorte de
contemplation religieuse si propre à l’intuition de la
vérité, que le spectacle si grand et siwarié que présente
le système des innombrables habitations des poissons?
D’un côté, des mers sans bornes, et immobiles dans un
calme profond; de l’autre, les ondes livrées à toutes
les agitations des courans et des marées : ici, les rayons
ardens du soleil réfléchis sous toutes les couleurs pair
les eaux enflammées des mers ’équatoriales; là, des
TOME 1. B