surchargent d’un poids qui s’accroît successivement.
Cette pression et ce poids produisent bientôt une gêne,
une sorte de mal-aise, et même de douleur, qui doivent
nécessairement être suivis de réactions involontaires
venant d’organes intérieurs froissés et resserrés, et
d’efforts spontanés que l’animal doit souvent répéter
pour se débarrasser d’un très-grand nombre de petits
corps qui le font souffrir. Lorsque ces oeufs sont assez
gros pour être presque murs, c’est-à-dire assez développés
pour recevoir avec fruit la liqueur prolifique
du mâle, ils exercent une action si vive et sont devenus
si lourds, quê la femelle est contrainte de se soustraire
à leur pesanteur et aux effets de leur volume. Ils sont
alors plus que jamais des corps , pour ainsi dire , étrangers
à l’animal ; ils se détachent même facilement les uns
des autres : aussi arrive-t-il souvent que si l’on tient
une femelle près de pondre dans une situation verticale
et la tête en haut, les oeufs sont entraînés par leur
propre poids, coulent d’eux-mêmes, sortent par l’anus;
et du moins on n’a besoin d’aider leur chûte que par
un léger frottement qu’on fait éprouver au ventre de
la femelle, en allant de la tête vers la queue *.
C’est ce frottement dont les poissons se procurent
le secours, lorsque la sortie de leurs oeufs n’est pas assez
déterminée par leurs efforts intérieurs. On voit les
* Notes manuscrites envoyées à Buffon, en 3768, par J . L. Jacobi,
lieutenant des miliciens du comté de Lippe Detmold ep Westphalie,
femelles froisser plusieurs fois leur ventre contre les
bas-fonds, les graviers, et les divers corps durs qui
peuvent être à leur portée; et les mâles ont aussi
quelquefois recours à un mojen semblable pour comprimer
leur laite, et en faire couler la liqueurfécondante
qui tient ces organes gonflés, gêne les parties voisines,
et fait éprouver au poisson des sensations plus ou moins
pénibles ou douloureuses.
A cette époque voisine du frai, dans ce temps où les
ovaires sont remplis et les laites très-tuméfiées, dans
ces momens d’embarras et de contrainte , il n’est- pas
surprenant que les poissons aient une partie de leurs
forces enchaînée, et quelques unes de leurs facultés
émoussées. Voilà pourquoi il est alors plus aisé de les
prendre, parce quils ne peuvent opposer à leurs ennemis
que moins de ruse, d’adresse et de courage; et
voilà pourquoi encore ceux qui habitent la haute mer,
s’approchent des rivages, ou remontent les grands
fleuves, et ceux qui vivent habituellement au milieu
des eaux douces, s’élèvent vers les sources des rivières
et des ruisseaux, ou descendent au contraire vers les
côtes maritimes. Tous cherchent des abris plus sûrs;
et d ailleurs tous veulent trouver une température plus
analogue à leur organisation, une nourriture plus abondante
ou plus convenable, une eau d’une qualité plus
adaptée à leur nature et à leur état, des fonds commodes
contre lesquels ils puissent frotter la partie
inférieure de leur corps de la manière la plus favorable
TOME I. M