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l’homme et pour quelques animaux, aient eu dans leurs
intestins quelques restes de ces vers malfaisans qu 011
n’aura pas eu le soin d’en ôter, et, par le moyen de ce
poison étranger, aient causé des accidens plus ou moins
funestes à l’homme f ou aux animaux qui en auront
mangé. Il peut même se faire qu’une longue habitude
de ces alimens nuisibles'ait détérioré les sucs et altéré
les chairs de quelques balistes, au point de leur donner
des qualités presque aussi délétaires que celles que
possèdent ces vers marins : mais les balistes n’en sont
pas moins par eux-mêmes dénués de tout venin proprement
dit ; et les effets qu’éprouvent ceux qui s’en
nourrissent, ne peuvent ressembler aux suites d un
poison réel que lorsque ces cartilagineux ont perdu
la véritable nature de leur chair et de leurs sucs, ou
qu’ils contiennent une substance étrangère et dangereuse.
On ne doit donc manger de balistes qu’après les
plus grandes précautions; mais il ne faut pas moins
retrancher le terrible pouvoir d’empoisonner, des
qualités propres à ces animaux.
Les balistes s’aident, en nageant, d’une vessie à air
qu’ils ont -auprès du dos; ils ont cependant reçu un
autre moyen d’augmenter la facilité avec laquelle ils
peuvent s’élever ou s’abaisser au milieu des eaux de la
mer. Les tégumens qui recouvrent leur ventre sont susceptibles
d’une grande extension; et l’animal peut,
quand il le veut, introduire dans cette cavité une quantité
de gaz assez considérable pour y produire ungonflement
tres-marqué. En accroissant ainsi son volume par
1 admission d’un fluide plus léger que l’eau , il diminue
sa pesanteur spécifique, et s’élève au sein des mers. Il
s’enfonce dans leurs profondeurs, en faisant sortir de
l’intérieur de son corps le gaz qu’il j avoit fait pénétrer;
et lorsque la crainte produite par quelque attouchement
soudain, ou quelque autre circonstance, font naître dans
le baliste une compression subite , le gaz, qui s’échappe
avec vitesse, passe avec assez de rapidité et de force au
travers des intestins, du gosier, de l’ouverture de la
bouche, et de celles des branchies, pour faire entendre
une sorte de sifflement. Nous avons déjà vu des effets
très-analogues dans les tortues; et nous en trouverons
de presque .semblables dans plusieurs genres de poissons
osseux, tels que les zées, les trigles et les cobites.
Malgré le double secours d’une vessie aérienne, et
de la dilatation du ventre, les balistes paroissent nager
avec difficulté : c’est que la peau épaisse, dure et tuberculeuse,
qui enveloppe la queue, ôte à cette partie la
liberté de se mouvoir avec assez de rapidité pour donner
à l’animal une grande force progressive; et ceci
confirme ce que nous avons déjà dit sur la véritable
cause de la vitesse de la natation des poissons.
Tels sont les caractères généraux qui appartiennent
à tous les balistes. Chaque espèce en présente d’ailleurs
de particuliers que nous allons indiquer, en commençant
par celle à laquelle nous avons conservé le nom de
vieille, et que nous devons faire counoître la première.