IT O h i s t o i r e n a t u r e l l e
•uaque proprement dite, mais la raie aigle, qui a les plus
grands rapports de conformation avec cette dernière.
■Non seulement ce dard dentelé a paru aux anciens plus
prompt à donner la mort que les flèches empoisonnées
des peuples à demi sauvages, non seulement ils ont
cru qu’il conservoit sa vertu malfaisante long-temps
après avoir été détaché du corps de la raie; mais son
■ simple contact tuoit l'Animal le plus vigoureux, des-
séchoit la plante la plus vivace, faisoit périr le plus gros
arbre dont il attaquoit la racine. Cetoit l’arme terrible
■ que la fameuse Circé remettoit a ceux qu elle vouloit
vendre supérieurs à tous leurs ennemis : et quels effets
plus redoutables, selon Pline, que ceux que produit
cet aiguillon, qui pénètre dans tous les corps avec la
force du fer et l’activité d’un poison funeste?
Cependant ce dard, devenu l'objet d’une si grande
crainte, n’agit que mécaniquement sur l’homme ou sur
les animaux qu’il blesse. Et sans répéter ce que nous
avons dit* des prétendues qualités vénéneuses'des poissons,
Ton peut assurer que l’on ne trouve auprès de la
racine de ce grand aiguillon aucune glande destinée à
filtrer une liqueur empoisonnée; on ne voit aucun
vaisseau qui puisse conduire un venin plus ou moins
puissant jusqu a ce piquant dentelé; le dard ne renferme
aucune cavité propre à transmettre ce poison
jusques dans la blessure ; et aucune humeur particu-
* Discours sur la nature des poissons*
P ET P' O I S S O N S. I I I
lière'n’imprègne ou n’humecte cette arme, dont toute
la puissance provient de sa grandeur, de sa dureté, de
ses dentelures, et dë la force avec laquelle l’animal,
s’en sert pour frapper.
Les vibrations de la queue de la raie aigle peuvent
en effet être si rapides, que l’aiguillon qui y est attaché
paroisse eu quelque sorte lancé comme un javelot,
ou décoché comme une flèche, et reçoive de cette-
vîte&se, qui lë fait pénétrer très-avant dans lës corps
qu’il atteint,.une action des plus délétaires. C’est avec
ee dârd ainsi agité, et avec sa queue déliée et plusieurs
fois contournée , que la raie aigle atteint, saisit, cramponne,
retient et met à mort lës animaux qu’elle poursuit
pour en faire sa proie, ou ceux qui passent auprès
de son a s jle , lorsqu’à demi couverte de vase elle-
se tient en embuscade au fond des eaux salées. C’est'
encore avec ce piquant très-dur et dentelé qu’elle se»
défend avec le plus d’avantage contre les attaques,
auxquelles elle est exposée; et voilà pourquoi lorsque
les pêcheurs .ont pris une raie aigle, ils s’empressent;
de séparer de sa queue l’aiguillon qui la rend si dangereuse.
Mais si sa queue présente un piquant si redouté, on
n’en voit aucun sur son corps. La couleur de son dos.
est d’un brun plus ou moins foncé, qui se change en
olivâtre vers lés côtés; et le dèssous de l’animal est d’un
blanc plus ou moins éclatant. Sa peau est épaisse, coriace,
et enduite d’une liqueur gluante. Sa chair est.