Le nom de lophie, en latin lophius, vient d’un motgree
(xoipîa) qui signifie nageoire et élévation , et qui désigne
la grande quantité d’éminences, de prolongemens et de
nageoires que l’on voit en effet sur le dos de toutes les
espèces comprises dans le genre que nous allons chercher
à faire connoître. Nous examinerons ce caractère
avec d’autant plus d'attention, que nous le vojons pour
la première fois : mais les lophies en montrent d’autres
que nous devons considérer auparavant ; et d’abord
jetons les jeux sur celui qui les a fait inscrire dans le
second ordre de la seconde division*, sur la manière
dont sont placées les nageoires inférieures, celles que
dans tous les poissons on a comparées à des pieds. Au
lieu d’être très-voisines de l’anus, comme dans les différentes
espèces de raies et de squales, ces nageoires sont
situées très-près dé l’ouverture de la bouche, e t , pour
ainsi dire, sous la gorge : elles sont par-là bien plus antérieures
que les nageoires pectorales, qui d’ailleurs sont
plus reculées que dans plusieurs autres poissons; et
voilà ce qui a causé la méprise de plusieurs naturalistes,
qui ont regardé les nageoires jugulaires comme
des nageoires pectorales, et les nageoires de la poitrine
comme des nageoires ventrales.
Cependant, pour mieux faire connoître ce qui caractérise
les lophies, décrivons-en l’espèce la plus remarquable,
en indiquant ce qui est particulier à ce cartila-
* Article intitulé Nomenclature des jjoissoiis.
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gineux, auquel nous conservons le nom de baudroie, eb
ce qui est commun à tous les animaux qui composent sa
famille. Les nageoires inférieures, placées’sous là gorge,
ainsi -que nous venons de le dire, et de même que dans
les autres lophies, sont courtes, fortes, et composées de
rayons assez mobiles pour servir à la baudroie à s’attacher,
et-, pour ainsi dire, à s’accrocher au fond des mers.
Ces rajons sont d’ailleurs au nombre de cinq et réunis
par une membrane assez lâche : aussi a-t-on cru voir
dans chacune de ces deux nageoires ventrales, ou plutôt
jugulaires, une sorte de main à cinq doigts et palmée.
D’un autre côté, les nageoires pectorales,au lieu de tenir
immédiatement au corps de l’animal, sont situées., ainsi
que celles dés autres lophies, à l’extrémité d’une prolongation
charnue et un peu coudée, que l’on a voulu comparer
à un bras et un avant-bras, ou à une jambe et un
pied : on a regardé en conséquence les rajohs-des nageoires
pectorales comme autant de doigts d’une main
ou d’un pied; et la baudroie na plus paru qu’une sorte
d’animal marin à deux,mains età deux pieds, ou plutôt
à quatre mains. On en a fait un quadrumane ; on a dit
quelle étoit, au milieu des eaux de la mer,le représentant
des singe,s, des mongous, et des autres animaux terrestres
auxquels le nom de quadrumane a été aussi
donné; et comme lorsque l’imagination,a secoué le joug
d’une saine analogie, et qu’elle a pris son essor, elle
cède avec facilité au plaisir d’enfanter de faux rapports
et de yaines ressemblances, on est allé jusqu’à supposer,