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de leur consternation, à la vue d’un squale de plus’ de
trente pieds de longueur, et des victimes déchirées
ou englouties par ce tyran des ondes. Terrible encore
lorsqu’on a pu parvenir à l’accabler de chaînes , se
débattant av,ec violence au milieu de ses liens, conservant
une grande puissance lors même qu’il est déjà
tout baigné djns son sang, et pouvant d’un seul coup
de sa queue répandre le ravage autour de lui, à l’instant
même où il est près d’expirer, n’est-il pas le plus formidable
de tous les animaux auxquels la nature n’a pas
départi cfës armes empoisonnées? Le tigre le plus furieux
au milieu des sables brûlans, le crocodile le plus
fort sur les rivages équatoriaux, le serpent le plus démesuré
dans les solitudes africaines, doivent-ils inspirer
autant d’effroi qu’un énorme requin au miUeu des vagues
agitées?
Mais examinons le principe de cette puissance si
redoutée, et la source de cette voracité si funeste.
Le corps du requin est tr,ès-alongé, et la peau qui le
recouvre est garnie de petits tubercules très-serrés les
uns contre les autres. Comme cette peau tuberculée
est très-dure, on l’emploie, dans les arts , à polir diffé-
rens ouvrages de bois et d’ivoire; on s’en sert aussi pour
faire des liens et des courroies, ainsi que pour couvrir
des étuis et d’autres meubles : mais il ne faut pas la
confondre avec la peau de la raie sephen *, dont on fait
* Article de la raie sephen.
le galuchat, et qui n’est connue dans le commerce que
sous le faux nom de peau de requin, tandis que la véritable
peau de requin porte la dénomination très-vague
de peau de chien de mer. La dureté de cette peau, qui la
fait rechercher dans les arts, est aussi très-utile au requin
, et a dû contribuer à augmenter sa hardiesse et
sa voracité, en le garantissant de la morsure de plusieurs
animaux assez forts et doués de dents meurtrières.
La couleur de son dos et de ses côtés est d’un cendré
brun; et celle du dessous de son corps, d’un blanc sale.
La tête est aplatie, et terminée par un^nuseau un peu
arrondi. Au dessous de cette extrémité, et à peu près
à une distance égale du bout du museau et du milieu
des jeux , on voit les narines organisées dans leur intérieur
presque de la même manière que celles de la
raie bâtis, et qui, étant le siège d’un odorat très-fin
et très-délicat, donnent au requin la facilité de reconnaître
de loin sa proie, et de la distinguer au milieu
des eaux les plus agitées par les vents, ou des ombres
de la nuit la plus noire, ou de l’obscurité des abjures
les plus profonds de l’Océan. Le sens de l’odorat étant
dans le requin, ainsi que dans les raies et dans presque
tous les poissons, celui qui règle les courses et dirige
les attaques, les objets qui répandent l’odeur la plus
forte doivent être, tout égal d’ailleurs, ceux sur lesquels
il se jette avec le plus de rapidité. Ils sont pour le requin
ce qu’une substance très-éclatante placée au milieu de