et nous nous sommes assurés, ainsi qu’on pourra s’en
convaincre dans le cours de cette histoire, que les
accidens graves produits par la morsure des poissons,
ou par l’action de leurs piquans, ne doivent être rapportés
qu’à la nature des plaies faites par ces pointes
ou par les dents de ces animaux. On ne peut pas douter
cependant que, dans certaines contrées , particulièrement
dans celles qui sont très-voisines de la zone torride,
dans la saison des chaleurs, ou dans d’autres
circonstances de temps et de lieu, plusieurs des animaux
que nous étudions ne renferment souvent, au moment
où on les prend, une quantité assez considérable d’a-
limens vénéneux et même mortels pour l’homme, ainsi
que pour plusieurs oiseaux ou quadrupèdes, et cependant
très-peu nuisibles ou innocens pour des animaux
à sang froid, imprégnés d’huile, remplis de sucs digestifs
d’une qualité particulière, et organisés comme
les poissons. Cette nourriture redoutable pour l’homme
peut consister, par exemple, en fruits du mancenillier,'
ou d’autres végétaux, et en débris de plusieurs vers
marins, dont les observateurs connoissent depuis longtemps
l’activité malfaisante des sucs. Si des poissons
.ainsi remplis de substances dangereuses sont préparés
sans précaution, s’ils ne sont pas vidés avec le plus
grand soin, ils doivent produire les effets les plus funestes
sur l’homme, les oiseaux1 ou les quadrupèdes
qui en mangent, On peut même ajouter qu’une longue
habitude de ces alimens vénéneux peut dénaturer un
poisson, au point de faire partager à ses muscles, à
ses sucs, à presque toutes ses parties, les propriétés
redoutables de la nourriture qu’il aura préférée, et de le
rendre capable de donner la mort à ceux qui mange-
roient de sa chair, quand bien même ses intestins
auroient été nettojés avec la plus grande attention.
Mais il est aisé de voir que le poison n'appartient jamais
aux poissons par une suite de leur nature ; que si
quelques individus le recèlent, ce n’est qu’une matière
étrangère que renferme leur intérieur pendant des
instans souvent très-courts ; que si la substance de ces
individus en est pénétrée, ils ont subi une altération
profonde; et il est à remarquer, en conséquence, que
lorsqu’on parcourt le vaste ensemble des êtres organisés,'
que l’on commence par l’homme, et que , dans ce long
examen, on observe d abord les animaux qui vivent dans
l’atmosphère, on n’apperçoit pas de qualités vénéneuses
avant d’être parvenus à ceux dont le sang est froid.
Parmi les animaux qui ne respirent qu’au milieu des
eaux, la limite èn-deçà de laquelle on ne rencontre pas
d’armes ni de liqueurs empoisonnées est encore plus
reculée, et 1 on ne voit d etres vénéneux par eux-mêmes
que lorsqu on a passé au-delà de ceux dont le sang est
rouge.
Continuons cependant de faire connoître tous les
moyens d’attaque et de défense accordés aux poissons.
Indépendamment de quelques manoeuvres particulières
que de petites espèces mettent en usage contre des