St C 6 H I S T O I R E N A T U R E !.. L E
pourra déterminer la loi de ces rapports que lorsqu’on
aura observé plusieurs requins beaucoup plus près du
dernier termè de leur croissance , que ceux que j’ai
examinés. Mais il me paroît déjà prouvé, par le résultat
de mes recherches, que nous serons en deçà de là vérité,
bien loin d’être au-delà, en attribuant au requin
dont une des dents a été découverte auprès des Pyrénées,
une longueur aussi supérieure à celle du plus
grand côté de la partie émaillée de cette dent fossile,
que la longueur totale d’un jeune requin que j’ai mesuré
très-exactement, l’emportoit sur le côté analogue
de ses plus grandes dents. Ce côté analogue avoit dans
le jeune requin cinq millimètres de long, et l’animal
en avoit mille. Le jeune requin .étoit donc deux cents
fois plus long que le plus grand côté de la partie
émaillée de ses dents les plus développées. On doit donc
penser que le requin dont une portion de la dépouille
a été trouvée auprès de Dax, étoit au moins deux cents
fois plus long que le plus grand côté de la partie
émaillée de sa dent fossile. Nous venons de voir que
ce côté avoi't cent quinze millimètres de longueur : on
peut donc assurer que le requin étoit long au moins
de vingt-trois mille millimètres, ou , ce qui est la même
chose, de vingt-trois mètres (soixante-dix pieds neuf
pouces). Maintenant, si nous déterminons les dimensions
que sa gueule devoit présenter, d’après celles que
nous a montrées la bouche d’un nombre très-considérable
-de requins de différentes tailles , nous verrons
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que le contour de sa mâchoire supérieure dêvoit être
au moins de treize pieds trois pouces (quatre cent vingt-
huit centimètres); et comme les parties molles qui réunissent
les deux mâchoires peuvent se prêter à une
assez grande extension, on doit dire que la circonférence
totale de l’ouverture de la bouche étoit au moins
de vingt-six pieds, et que cette même ouverture avoit
près de neuf pieds de diamètre mojen.
Quel abjme dévorant! Quelle grandeur, quelles
armes, quelle puissance présentoitdonc ce squale géant,
qui exerçoit ses ravages au milieu de l’Océan, à cette
époque reculée au-delà des temps historiques, où la
mer couvroit encore la France, ou, pour mieux dire,
là Gaule méridionale, et baignoit de ses eaux les hautes
sommités de la chaîne des Pyrénées! Et que l’on ne dise
pas que cet animal remarquable étoit de la famille ou
du genre des squales, mais qu’il appartenoit à une
espèce différente de celle des requins de nos jours. Tout
oeil exercé à reconnoître les caractères distinctifs des
animaux , et sur-tout ceux des poissons, verra aisément
sur la dent fossile des environs de Dax, non seulement
les traits de la famille des squalés , mais encore ceux
des requins proprement dits. Et si, rejetant des rapports
que l’on regarderoit comme trop vagues, on vouloit
rapporter cette dent de Dax a un des squales dont nous
allons nous occuper, on l’attribueroit a une espece
beaucoup plus petite maintenant que celle du requin,
et on ne feroit qu’augmenter l’étonnement de ceux qui