corps très-peu éclairés seroit pour un animal qui
n’obéiroit qu’au sens de la vue. On ne peut donc guère
se refuser à l’opinion de plusieurs voyageurs qui assurent
que lorsque des blancs et des noirs se baignent
ensemble dans les eaux de l’Océan, les noirs, dont les
émanations sont plus odorantes que celles des blancs,
sont plus exposés à la féroce avidité du requin, et
qu’immolés les premiers par cet animal vorace, ils donnent
le temps aux blancs d’échapper par la fuite à ses
dents acérées. Et pourquoi, à la honte de l’humanité,
est-on encore plus forcé de les croire lorsqu’ils racontent
que des blancs ont pu oublier les loix sacrées de la
nature, au point de ne descendre dans les eaux de la
mer qu’en plaçant autour d’eux de malheureux nègres,
dont ils faisoient la part du requin ?
L’ouverture de la bouche est en forme de demi-cercle,
et placée transversalement au dessous de la tête, et
derrière les narines. Elle est très-grande; et l’on pourra
juger facilement de ses dimensions , en sachant que
nous avons reconnu, d’après plusieurs comparaisons,
que le contour d’un côté de la mâchoire supérieure,
mesuré depuis l’angle des deux mâchoires jusqu’au sommet
de la mâchoire d’en-haut, égale à peu près le
onzième de la longueur totale de l’animal. Le contour
de la mâchoire supérieure d’un requin de trente pieds
'(près de dix mètres) est donc environ de six pieds ou
deux mètres de longueur. Quelle immense ouverture!
Quel gouffre pour engloutir la proie du requin ! Et
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comme son gosier est d’un diamètre proportionné, on
fie doit pas . être étonné de lire dans Rondelet et dans
dautres auteurs, que les grands requins peuvent avaler
un homme tout entier, et que, lorsque ces squales
sont morts et gisans sur le rivage, on voit quelquefois
des chiens entrer dans leur gueule, dont quelque corps
étranger retient les mâchoires écartées, et aller chercher
jusques dans l’estomac les restes des alimens dévorés
par l’énorme poisson.
. Lorsque cette gueule est ouverte, on voit au delà
des lèvres, qui sont étroites et de la consistance du cuir,
des dents plates, triangulaires, dentelées srtr leurs
bords, et blanches comme de l’ivoire. Chacun des bords
de cette partie émaillée, qui sort hors des gencives, a
communément cinq centimètres (près de deux pouces)
de longueur dans les requins de trente pieds. Le nombre
des dents augmente avec l’âge de l’animal. Lorsque le
requin est encore très-jeune, il n’en montre qu’un rang,
.dans#lequel on-n’apperçoit même quelquefois, que de
bien foibles dentelures, mais à mesure qu’il se développe,
il en présente un plus grand nombre de rangées;
et lorsqu il a atteint un degré plus avancé de
-son accroissement et qu’il est devenu adulte, sa gueule
est armée, dans le haut comme dans le bas, de six rangs
de ces dents fortes, dentelées, et si propres à déchirer
ses victimes. Ces dents ne sont pas enfoncées dans des
cavités solides; leurs racines sont uniquement logées
dans des cellules membraneuses qui peuvent se prêter
T O M E i .