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lement de poissons,, et en détruit un grand nombre.;
elle se jette même sur les pêcheurs et sur ceux qui se
baignent dans les eaux, de la mer. Mais, comme elle
est moins grande et plus foible que plusieurs autres
squales, elle n’attaque pas le plus souvent ses ennemis
à force ouverte; elle a besoin de recourir à la ruse; et
elle se tient presque toujours dans la vase, où elle se
cache et se met en embuscade, comme les raies, pour
surprendre sa proie : aussi est-il très-rare de pêcher des-
individus de cette espèce qui ne soient couverts de
fange.
La chair de la roussette est dure, et répand une-
odeur forte qui approche dé celle du musc. On en-
mange rarement; et lorsqu’on veut s’en nourrir, on la
fait macérer pendant quelque temps dans leau. Mais-
sa peau séchée elt très-répandue dans le commence;
elle y est connue sous le nom de peau de roussettej
peau de chien de mer, peau de chagrin. Les petits tubercules
dont elle est revêtue la rendent très-propre à
polir des corps très-durs, du bois, de l’ivoire, et même
du fer; et, comme celle du requin, elle est employée
non seulement à faire des liens, mais encore à couvrir
des malles, et, après avoir été peinte en vert, ou en
d’autres couleurs, à garnir des étuis sous le nom de,
galuchat. Il ne faut cependant pas confondre ce galuchat
commun , avec celui que l’on obtient en préparant
la peau de la raie sephen, duquel les grains
ou tubercules sont plus gros, et dont nous avons parlé
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dans l’article de cette raie. Ce second galuchat, plus
beau et plus recherché, est aussi plus rare, la sephen
n’ayant été pêchée que dans un petit nombre de mers,
et le squale roussette habitant non seulement dans la
Méditerranée , mais encore dans toute l’étendue de
l’Océan , depuis un cercle polaire jusqu a l’autre, et
depuis les Indes occidentales jusqu’aux grandes Indes,
d’où un individu de cette espèce a été envoyé dans le
temps à la Haye sous le nom de haay '.
On retire par la cuisson une assez grande quantité
d’huile du foie de la roussette. Mais il paraît qu’il est
très-dangereux de se nourrir de ce viscère, que les pêcheurs
ont ordinairement le soin de rejeter, avant de
vendre l’animal. Le séjour de la roussette dans la fange,
l’infériorité de sa force, et la violence de son appétit,
peuvent l’obliger à se contenter souvent d’une proie très
corrompue, d’alimens fétides, et même de mollusques
ou d’autres vers marins plus ou moins venimeux, qui
altèrent ses humeurs, vicient particulièrement sa bile,
donnent à son foie une qualité très-malfaisante, et
rendroient aussi plus ou moins funeste dans plusieurs
circonstances l’usage intérieur d’autres parties de cet
animal“. Mais, quoi qu’il en soit, nous croyons devoir * 1
* Cet individu desséché fait partie de la collection cédée à la France par
la Hollande.
1 Nous ne saurions trop recommander de vuider avec la plus grande attention
les poissons dont on veut manger, lorsqu’ils se sont nourris d’alimens
corrompus ou de vers marins.