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préfère fl soit qu’il obéisse dans ce choix à d’autres
causes presque aussi énergiques, et que, par exemple,
ayant une assez grande force dans ses diverses parties,
dans ses nageoires, et particulièrement dans sa queue,
quoique cette puissance musculaire soit inférieure,
ainsi que nous l’avons dit, à celle des squales, il se
plaise à vaincre, en nageant, des courans rapides, des
flots nombreux, des masses d’eau volumineuses, et
ressente, comme tous les êtres, le:besoin d’exercer de
temps en temps, dans toute-sa plénitude, !® pouvoir qui.
lui a été départi. D’ailleurs, l’esturgeon présente un
grand volume : il lui faut donc une grande place pour
se mouvoir sans obstacle et sans peine; et cette place
étendue et favorable, il ne la trouve que dans les fleuves
qu’il préfère:
Il grandit et engraisse dans ces rivières fortes et
rapides, suivant qu’il y rencontre la tranquillité , la
température et les alimens qui lui conviennent le
mieux; et il est de ces fleuves dans lesquels il est parvenu
à un poids énorme, et jusqu’à celui de mille livres,
ainsi que le rapporte Pline de quelques uns de ceux
que l’on voyoit de son temps dans le Pô.
Lorsqu’il est encore dans la mer, ou près de l’embouchure
des grandes rivières, il se nourrit de harengs,
ou de maquereaux et de gades; et lorsqu’il est engagé
dans les fleuves,'il attaque les saumons, qui les
remontent à peu près dans le même temps que lui, et
qui ne peuvent lui opposer qu’une foiblè résistance.
Comme il arrive quelquefois dans les parties élevées
des rivières considérables avant ces poissons, ou qu’il
se mêle à leurs bandes, dont il cherche à faire sa proie,
et qu’il paroît semblable à un géant au milieu de ces
légions nombreuses, on l’a comparé à un chef, et on l’a
nommé le conducteur des saumons.
Lorsque le fond des mers ou des rivières qu’il fréquente
est très-limonneux, il préfère souvent les vers
qui peuvent se trouver dans la vase dont le fond des
eaux est recouvert, et qu’il trouve avec d’autant plus
de facilité au milieu de la terre grasse et ramolliê, que
le bout de son museau est dur et un peu pointu, et
qu’il sait fort bien s’en servir pour fouiller dans le
limon et dans les sables mous.'
Il dépose dans les fleuves une immense quantité
d’oeufs; et sa chair y présente un degré de délicatesse
très-rare, sur-tout dans les poissons cartilagineux. Ce
goût fin et exquis est réuni dans l’esturgeon avec une
sorte de Compacité que l’on remarque dans ses muscles,
et qui les rapproche un peu des parties musculaires
des autres cartilagineux : aussi sa chair a-t-elle été prise
très-souvent pour celle d’un jeune veau, et a-t-il été
de tous les temps très-recherché. Non seulement on le
mange frais ; mais, dans tous les pays où l’on en prend
un grand nombre, on emploie plusieurs sortes de préparations
pour le conserver et pouvoir l’envoyer au
loin. On le fait sécher, ou on le marine, ou on le sale.
La laite du mâle est la portion de cet animal que l’on