en troupes conduites par des chefs. On les a fait partir
des mers glaciales de notre hémisphère à des temps
déterminés, s’avancer avec un concert toujours soutenu
, s’approcher successivement de plusieurs côtes de
l’Europe, conserver leur disposition, passer par des
détroits , se diviser en plusieurs bandes , changer de
direction, se porter vers l’ouest, tourner encore et
revenir vers le nord, toujours avec le même arrangement
, e t, pour ainsi dire, avec la même fidélité. On
a ajouté à cette narration ; on en a embelli les détails;,
on en a tiré des conséquences multipliées : et cependant
on pourra voir dans les ouvrages de Bloch, dans
ceux d’un très-bon observateur de Rouen, le citojen
Noël, et dans les articles de cette histoire relatifs à
ces poissons, combien de faits très-eonstans prouvent
que lorsqu’on a réduit à leur juste valeur les récits
merveilleux dont nous venons de donner une idée,
on ne trouve dans les maquereaux et dans les harengs
que des animaux qui vivent, pendant la plus grande
partie de l’année, dans les profondeurs de la haute
mer , et qui, dans d’autres saisons, se rapprochent,
comme presque tous les autres poissons pélagiens ,
des rivages les plus voisins et les plus analogues à leurs
besoins et à leurs désirs.
Au reste, tous ces vojages périodiques ou fortuits,
tous ces déplaeemens réguliers, toutes ces courses
irrégulières, peuvent être exécutés par les poissons
avec une vitesse très-grande et très-long-temps pro*-
longée. On a vu de ces animaux s’attacher, pouf ainsi
dire, à des vaisseaux destinés à traverser de vastes mers,
les accompagner, par exemple, d’Amérique en Europe,
les suivre avec constance malgré la violence du vent
qui poussoit les bâtimens, ne pas les perdre de vue,
souvent les précéder en se jouant, revenirvvers les embarcations,
aller en sens contraire, se retourner, les
atteindre,les dépasser de nouveau, et, regagnant, après
de courts repos, le temps qu’ils avoient, pour ainsi dire,
perdu dans cette sorte de halte, arriver avec les navigateurs
sur les côtes européennes. En réunissant ces
faits à ceux qui ont été observés dans des fleuves d’un
cours très-long et très-rapide, nous nous sommes
assurés, ainsi que nous l’exposerons dans l’histoire des
saumons, que les poissons peuvent présenter une vitesse
telle, que, dans une eau tranquille, ils parcourent deux
cent quatre-vingt-huit hectomètres par heure, huit mètres
par seconde, c’est-à-dire un espacé douze fois plus
grand que celui sur lequel les eaux de la Seine s’étendent
dans le même temps, et presque égal à celui qu’un
renne fait franchir à un traîneau également dans une
seconde.
Pouvant se mouvoir avec cette grande rapidité ,
comment les poissons ne vogueroient-ils pas à de
grandes distances , lorsqu’en quelque sorte aucun
obstacle ne se présente à eux? En effet, ils ne sont
point arrêtés dans leurs migrations, comme les quadrupèdes,
par des forêts impénétrables, de hautes