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(cinquante livres, ou environ,]. *;, et ses muscles paraissent
bien moins forts à proportion que ceux de la
bâtis. •
Ses dents sont très-courtes ; la surface de son corps
ne présente aucun piquant ni aiguillon. Petite, foible,
indolente, sans armes, elle seroit donc livrée sans dépense
aux voraces habitans des mers dont elle peuple
les profondeurs, ou dont elle habite les bords : mais,
indépendamment du soin qu’elle a de se tenir presque
toujours cachée sous le sable ou sous la vase, soit lorsque
la belle saison l’attire vers les côtes, soit lorsque le
froid l’éloigne des rivages et la repousse dans les abymes
de la haute mer, elle a reçu de la nature une faculté particulière
bien supérieure à la force des dents, des dards,
et des autres armes dont elle au roi t'pu être pourvue;
elle possède la puissance remarquable et redoutable de
lancer, pour ainsi dire, la foudre; elle accumule dans
son corps et en fait jaillir le fluide électrique avec la
rapidité de l’éclair; elle imprime une commotion soudaine
et paralysante au bras le plus robuste qui s’avance
pour la saisir, à l’animal le. plus terrible qui veut la
dévorer ; elle engourdit pour des instans assez longs
les poissons les plus agiles dont elle cherche à se nour-
* M. Walsh, membre* clu parlement d’Angleterre, et de la société de
[Londres, prit, dans la baie de Tor, une torpille qui avoit quatre pieds de
ilong, deux pieds et demi de large, et quatre pouces et demi dans sa plus
grande épaisseur; elle pesoit cinquante-trois livres. ( Of torpédos found on
dke coast o f En glande p. âr)
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rir; elle frappe quelquefois ces coups invisibles à une
distance aSsèz grande; et par cette action prompte, et
quelle petit souvent renouveler, annullant les mouve-
mens de ceux qui 1 attaquent et de ceux qui se défendent
contre ses efforts, on croiroit la voir réaliser au
fond des eaux une partie de ces prodiges que la poésie
et la fable ont attribués aux fameuses enchanteresses
dont elles avoient placé l’empire au milieu des flots,
ou près des rivages.
Mais quel est donc dans la torpille l’organe dans
lequel réside cette électricité particulière? et comment
s’exerce ce pouvoir que trous n’avons encore vu départi
à aucun des animaux que l’on trouve sur l’échelle des
êtres, lorsqu’on en descend les degrés depuis l’homme
jusques au genre des raies?
De chaque coté du crâne et des' branchies, est un
organe particulier qui s’étend communément depuis
le bout du museau jusques a ce cartilage demi-circulaire
qui fait partie du diaphragme, et qui sépare la
cavité de la poitrine, de celle de l'abdomen. Oet organe
abou tit d’ailleurs, par son côté extérieur, presque à l’origine
de la nageoire pectorale. Il occupe donc un espace
d’autant plus grand relativement au volume de l’animal,
qu’il remplit tout l’intérieur compris entre la
peau de là partie supérieure de la torpille, et celle
de la partie inférieure^ On doit voir aisément que la
plus grande épaisseur de ‘chacun des deux organes
est dans le bord qui est tourné vers le centre et vers