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victoire. Les matelots qui étoient avec ce voyageur lui
dirent qu’ils avoient souvent sous les yeux de ees
spectacles imposans ; qu’ils se tenoient à l’écart jusqu’au
moment où la baleine étoit vaincue par la scie, qui se
contentoit de lui dévorer la langue, et qui abandonnoit
en quelque sorte aux marins le reste du cadavre de
l’immense cétacée.
Mais ce n’est pas seulement dans l’Océan septentrional
que la scie donne, pour ainsi dire, la chasse aux baleines;;
elle habite en effet dans les deux hémisphères, et on
l’y trouve dans presque toutes les mers. On la rencontre
particulièrement auprès des côtes d’Afrique^, où la
forme, la grandeur et la force de ses armes ont frappé
l’imagination de plusieurs nations nègres, qui l’ont,
pour ainsi dire, divinisée, et conservent les.plus petits
fragmens de son museau dentelé, comme un fétiche
précieux.
Quelquefois ce squale, jeté avec violence par la tempête
contre la carène d’un vaisseau , ou précipité-par
sa rage contre le corps d’une baleine, y enfonce sa scie
qui se brise; et une portion de cette grande lame dentelée
reste attachée au doublage du bâtiment, ou au
corps du cétacée, pendant que l’animal s’éloigne avec
son museau tronqué et son arme raccourcie. L’on conserve,
dans les galeries du Muséum d’histoire naturelle,
un fragment considérable d’une très-grande lame de
squale scie, qui y a été envoyé dans le temps par M. de
Capellis, capitaine de vaisseau, et qui a été trouvé implanté
dans le côté d’une baleine.