
de l’Egypte connoît bien le danger de sa morsure, et le redoute beaucoup : on le
trouve aussi quelquefois dans les lieux bas des habitations du Kaire ( i ).
(i) C ’est le plus souvent au sujet de cette espèce que
l’on a recours à une corporation , reste dégénéré des
anciens psylles, sur laquelle il ne sera pas sans intérêt
comme sans utilité de donner ici quelques détails. Ce
qui suit est extrait des registres d’observations rédigés en
Egypte par mon père.
« Les psylles se sont perpétués en Egypte de père en fils;
» ils y sont établis et s’y manifestent de trois manières :
» i.° Ils figurent dans les fêtes et promenades reli-
» gieuses, et en sont un des plus curieux qrnemens : ils
» portent l’émotion du peuple au plus haut degré d’éner-
»g ie, principalement à la fête consacrée à l’intronisation
» du riche tapis destiné à la Mekke et que l’on promène
» avec pompe dans les principales rues du Kaire. Les
» psylles y paraissent presque nus, affectant des manières
» d’insensés, et portant des besaces assez vastes, afin d’y
»rassembler un plus grand nombre de serpens. Us se
‘ »font un mérite d’avoir de ces animaux enlacés autour
» d ’eux, enveloppant leur cou, leurs bras et toutes les
» autres parties de leur corps. Pour ; exciter davantage
» l’intérêt des spectateurs, ils se font piquer et déchirer
» la poitrine et le ventre par les serpens, et réagissent
» avec une sorte de fureur sur eux , affectant de, les
» manger tout crus.
» 2.0 Dans les jours ordinaires, les plus pauvres d’entre
» les psylles se dévouent au métier de bateleur dans les
»carrefours et lieux très-fréquentés : ils emploient les
»serpens de toutes les façons, variant tous leurs tours,
» au moyen desquels ils espèrent exciter une extrême
» surprise et jusqu’à de vifs sentimens de terreur. Le ser-
» pent qu’ils préfèrent est le Coluber haje.
» 3.0 Les psylles forment une corporation, se donnant
» pour seuls capables d’appeler les serpens et d’en débar-
»rasser les habitations. Une de leurs idées fixes, c’est
» qu’un Egyptien qui serait établi au milieu d’eux et
»qui chercherait à imiter leurs procédés, s’il n’étoit pas
» né d’un père psylle, ne parviendrait jamais à charmer
» un serpent.
» Les serpens se voient quelquefois dans les habita-
» tions; ordinairement ils y demeurent cachés dans des
» rez-de-chaussée obscurs et humides : mais, si l’humidité
» de ces lieux bas est trop grande, et, de plus, si la tem-
»pérature générale est moins élevée, ils gagnent les ap-
» partemens supérieurs; et l’on est exposé, en rangeant les
» meubles, à en rencontrer de blottis sous des tapis ou
» des matelas. Les gens riches que tient la crainte des ser-
» pens s’adressent aux psylles pour en préserver leurs mai-
» sons : mais c’est le plus petit nombre qui agit ainsi par
» prévoyance ; car une incurie naturelle au musulman
» fait que celui-ci ne recourt aux psylles que quand quel-
» ques serpens ont été aperçus, et qu’ils ont amené la
» crainte dans le sein des familles. Cette grande indiffé-
» rence avant ces momens décisifs provient aussi de ce
» que les psylles sont peu nombreux, et qu’ils deviennent
» tres-exigeans quant à la quotité de leur salaire. Comme
»ils sont payés selon leurs oeuvres, c’est-à-dire, d’après
»les résultats obtenus, ils apportent avec eux des seras
pens qu’ils déposent avant de se montrer, ou bien ils
» en envoient par leurs compères. On sait cela, et l’on se
» défie d’eux ; mais leur habileté à cet égard est rarement
» surprise en défaut.
» Tout cela sera mieux compris par le récit de l’expé-
» rience que voici. Le général en chef, auquel on avoit
»parlé du savoir-faire de la corporation des psylles, or-
» donne un jour qu’ils aient à opérer sous ses yeux
» N’ayant ni la volonté ni le temps de surveiller lui-même
»lepsylle, il me charge de ce soin. Le cheykh el-Mohdi
» indique trois de ces psylles, et leur prescrit de se rendre
» où ils seront demandés. II falloit prendre les plus grandes
»précautions pour n’être point trompé. Je vais chez l’un
» d ’eux que je choisis au hasard; je l’emmène sans qu’il
»sache dans quelle maison : il y est déshabillé, et ses
» habits sont visités. Rendu chez le général en chef, on
» lui demande de prendre un serpent qu’on lui dit être
» dans le rez-de-chaussée, et dont on veut absolument
» débarrasser le palais. Mais s’ il n’y en a point! répète
»souvent le psylle. Les précautions prises et le caractère
» imposant de ceux qui réclamoient ce service inquié-
» toient cet Egyptien. Je parvins cependant par de la
»douceur et le don de quelque monnoie à le rassurer.
» On ne demande point l’impossible, lui dis-je,: mais agis
»comme si un serpent étoit réellement dans la maison;
» appelle-le, pour t’en saisir. -
» Notre psylle, devenu plus calme, se mit sérieuse-
» ment à la besogne : le général en chef, une partie de
»sa suite et moi,suivions et examinions attentivement.
»Les lieux frais et humides furent explorés avec une
» prédilection marquée : le psylle n’appeloit que là, parce
» que c’étoit seulement dans ces lieux peu accessibles et
» obscurs qu’il espérait réussir.
» Sa manière d’appeler étoit de contrefaire le sifflement
» des serpens, tantôt celui plus sonore du mâle, et tantôt
» celui plus étouffé de la femelle. Je ne tardai pas à m’a-
» percevoir qu’il plaçoit sa confiance dans un appel ou
» cri d’amour. L’habileté consistoit à bien contrefaire la
» voix du serpent, et ce n’étoit effectivement qu’à cette
» condition que le serpent devoit entrer en émoi et se dé-
» terminer à quitter sa retraite. Beaucoup de silence étoit
» recommandé.
» Un serpent arriva après deux heures et un quart de
» recherches; le général en chef avoit perdu patience et
» s’étoit retiré. Je ne puis jamais oublier le cri de joie que
»jeta le psylle, même avant de voir l’animal : il I’avoit
» entendu répondre au cri d’amour. Auparavant il étoit
»inquiet, soucieux, désolé; mais alors il se releva avec
»fierté, cherchant à lire dans nos regards si nous avions
» de lui l’opinion qu’il tenoit de ses aïeux un pouvoir plus
» qu’humain. »
§. XII.
§. X I I .
L A V IP È R E C É R A S T E
( R e p t i l e s , planche 6 , fig. j ). * §
Nous avons examiné trois individus de cette espèce, et tous trois nous ont
présenté un nombre de bandes abdominales et caudales différent de ceux qu’on
trouve indiqués dans les auteurs : en effet, nous avons toujours compté, sous le
corps, de cent quarante - deux à cent quarante-quatre plaques, en comprenant
celle qui recouvre l’anus, et, sous la queue, de trente-une à trente-six paires.
Les proportions indiquées par Daudin nous ont paru inexactes : suivant ce
naturaliste, la queue d’un individu de deux pieds de long avoit près de cinq
pouces, et formeroit ainsi environ la cinquième partie de la longueur totale. Or
un des cérastes que nous avons examinés avoit un pied dix pouces et demi du
bout du museau à l’anus, et seulement un peu plus de deux pouces et demi de
l’anus à l’extrémité du prolongement caudal ; et chez un second individu dont la
taille étoit d’un pied huit pouces, la queue n’avoit que deux pouces : d’où il suit
qu’elle forme seulement la dixième partie de la longueur totale, et non pas la
cinquième.
Enfin nous devons signaler dans l’ouvrage du même naturaliste une autre
erreur qui est également assez grave : dans la figure qu’il donne du céraste (tome V I ,
pl. y4) > queue est représentée comme étant toute d’une venue avec le corps,
tandis qu’elle ressemble, dans la réalité, à un appendice très-grêle qu’on auroit
surajouté au tronc, tant elle est disproportionnée avec lui (1) ; c’est ce que rendront
évident les mesures suivantes. La circonférence du corps chez le plus grand des
individus dont nous avons parlé, est, à la partie antérieure, d’un peu plus d’un
pouce et demi; à la partie moyenne, de trois pouces; à quelque distance de l’anus,
de deux pouces un quart; enfin, à l’extrémité, de deux pouces. L e corps est donc
encore très-gros au niveau de l’anus : or la circonférence de la queue n’est à son
origine même que d’un pouce, et elle n’a plus déjà vers le milieu que six lignes.
Quant a son extrémité, il seroit difficile de la mesurer; car elle finit par une pointe
presque aussi fine que celle d’une aiguille.
Le céraste est généralement dun brun très-pâle, sur lequel un brun plus foncé
forme des taches de forme tantôt quadrilatère et tantôt ovale, mais dont le plus
grand diametre est toujours le transversal. Ces taches ou bandes ont généralement
une disposition assez régulière; seulement dans la partie antérieure du corps, au
lieu d une seule grande tache, on en voit deux ou trois petites placées irrégulièrement
1 une auprès de 1 autre : la même disposition a également lieu dans le voisinage
de la queue. En outre, de la série des larges bandes que nous venons de
> (-1) caractère est assez bien rendu dans la figure, serpentum et draconum, pag. 175. On le trouve aussi in-
d’ailleurs très-grossière et inexacte à plusieurs égards, diqué avec assez d’exactitude dans les figures de Prosper
quAldrovande a donnée du céraste dans ses Historiée Alpin (Rer. Ægypt. lib. iv ) .
H. N. TOME I.«, 1.» partie. x