autre, et en particulier le dénûmentde la tête et du cou! Je prie seulement celui
qui auroit quelque doute à cet égard, de jeter les yeux sur l’ouvrage de Caylus (i),
et il se convaincra quils les ont exprimés quelquefois avec une certaine précision;
ce que Bruce ni moi navons pu faire, nayant eu à notre disposition que des
jeunes. On a gravé dans cet ouvrage une tête d’ibis et un ibis complet : les originaux
en bronze en sont actuellement déposés au Cabinet des antiques, où chacun
peut les voir. Il est certain que l’oiseau qui a servi de modèle pour la tête n’avoit
point de plumes en cet endroit ni sur le cou, puisque, outre le poli de ce bronze,
on y distingue tous les plis de la peau et les trous auditifs externes. Le bec est parfaitement
confoime à ce que j en ai dit plus haut. Je n observe ceci qu’en passant.
Dans 1 ibis complet qui est sous de plus petites dimensions, on a sur-tout bien
représente les plumes effilées qui enflent le croupion, en cachant presque la queue.
Quelque soin que Ion prenne, il est assez rare que dans les ibis embaumés on
trouve de ces plumes qui soient très-remarquables par leur longueur et leur finesse;
ce qui témoigne peut-être qu’elles ne parviennent plus à cet état dans une extrême
vieillesse.
D e l ’Ibis noir.
I l y a en Egypte un autre numenius qui s’y plaît autant que le précédent, qui
meme y habite en plus grand nombre. Cette seconde espèce, moins grande que
la première, s en distingue sur-tout par le défaut de blanc dans son plumage et
par les plumes dont le cou et la tête sont toujours bien revêtus. Tout le dessus
du corps est d’un noir à reflets très-riches, verts et violets; tout le dessous, d’un
noir cendre qui jette aussi quelques reflets; et ces deux couleurs sont à peu près
telles qu’on les voit aux pennes eifilées et à l’extrémité des grandes pennes de
1 aile du numenius ibis. 11 arrive néanmoins que, dans les vieux individus, le ventre
et les cuisses prennent une teinte d’un marron foncé, qui s’étend quelquefois jusque
sur la poitrine. Les plumes de la tête et de- tout le cou sont noirâtres, frangées
légèrement de blanchâtre, plus foncées sur le sommet de la tête et sur la nuque,
ou il y a des îeflets, prolongées a 1 occiput. Le bec et les pieds ont exactement
la même forme que dans le numenius ibis; seulement ils sont moins épais : ils
paroissent noirs d abord, mais ensuite on y distingue une couleur cendré olivâtre.
Les pieds sont aussi proportionnellement plus longs et le bec un peu plus court.
La langue, plus petite, est un peu lancéolée, très-obtuse. Les iris sont bruns. A
cela près, les deux espèces se ressemblent à tous égards; et l’unique différence que
les Égyptiens mettent entre elles, et qu’on puisse y remarquer soi-même au premier
coup-d oei l , lorsqu on ne les regarde pas de très-près, c’est que la première est
noire et blanche, et que la seconde semble entièrement noire (2).
Ces deux numenius sont, dans leur genre, les seules espèces qui arrivent régulièrement
en Egypte à de certaines époques : celui de Belon, à tête, bec et pieds
( 1 ) Recueil d antiquités égyptiennes, tom. I , pl. i o , (2) Hada a lte y r asouad hollouhou, disen t les Arabes.
4 . pag- 38 e t 3 9 ; e t tom. V , p l. 1 1 , n ." 1 , pag. 50. . . C e t o iseau e st to u t no ir. »
C o n s u lt e z aussi les be lle s planches d e M . D e n o n .
rouges, s y montre si rarement, que l’on n’en a pas seulement la plus légère idée.
Ce sont, à coup sûr, les seuls que les habitans actuels reconnoissent, les seuls qu’ils
sachent désigner, qui en reçoivent des noms particuliers; et durant tout le séjour
de l’armée Française, c’est-à-dire, dans le cours de plus de trois années, ni moi,
ni personne que je sache, n’en a vu d’autres.
Quon se souvienne, maintenant, que les anciens Égyptiens honoroient deux
espèces d’ibis; que la distinction essentielle établie par Hérodote entre ces oiseaux
est également très-frappante entre les deux nôtres, et de plus celle que les Arabes
y voient encore; que l’ibis blanc étoit très-noir sur la tête, le cou, l’extrémité des
ailes et le croupion, tandis que l’ibis noir étoit par-tout très-noir; expression que
I historien Grec n emploie sans.doute que par opposition dans tous les cas, dont
il s est évidemment servi pour désigner un noir avec de riches reflets, et même
un noir cendré, puisque l’une et l’autre de ces couleurs existent dans le plumage
de l’ibis blanc. Qu’on se rappelle tout cela, et l’on sera forcé de convenir que notre
seconde espèce de numenius est aussi l’ibis noir dont les anciens ont fait mention.
Cette conclusion est de rigueur, à moins qu’on ne rejette tout ce que nous regardions
comme prouvé précédemment, c’est-à-dire, qu’on n’admette plus que notre
numenius ibis soit le vrai ibis blanc des anciens Égyptiens.
S’il me falloit ajouter une dernière preuve à ces diverses considérations, j’en
choisirois une seule qui confirmeroit le sentiment que je viens d’avancer; la voici ;
cest que l’oiseau que je présente comme l’ibis noir n’a pas perdu son ancien
nom Égyptien, celui de lelieras et ieheras, qu’Aristote nous a conservé ( i) , et qui
se retrouve , pour ainsi dire, sans altération dans le nom Arabe el-hareiz (2) (on
( 1 ) S u iv a n t A lb e r t , de Animal. I'ib. V I I I ( t r a c t , z ,
c. 5 , et aliis locis).
(2) M . B e lle t ê t e , q u e j’a v o is con su lté sur l’id entité
d e ces d e u x noms appliqués au même o is e a u , a bien
v o u lu me com m u n iq ue r les ob servations su ivante s :
« L an a lo g ie d e ces d eu x n om s , Ieheras o u ieheras en
» a n c ie n é g y p t ie n , h'areiz en a r a b e , est t e ll e , qu’il n’y
» a au cu n lieu d e d ou te r q u e le p remie r n’ a it d on n é
» na issance au se co n d . I l est peu d e m o t s , en e ffe t, q u i,
» com m e c e d e rn ie r , a ien t passé' d’un e lan gu e d ans u n e
» au tre a v e c des changemens aussi légers e t q u i réunissent
» plus d e con ditio n s nécessaires à en con sta ter l’o rigine .
» C est c e qu e les personnes versées dans la con nois sance
» des langu es orientales r e c o n n o îtro n t a isément a v e c
» m o i; m a is , p o u r fa ire passer c e tte c o n v ic t io n dans l’ es-
» prit des autres le c te u r s , il fa u t é ta b lir la d émonstration
» d e c e t t e propo s ition.
» L e g én ie d e la plu pa rt des langues o r ien ta le s , e t pa r-
» t icu liè rem en t d e l’a r a b e , est d e rap po rter tous les mots
» à u n e ra c in e com po sé e d e trois le ttr e s , q u e pa r c e tte
»> raison l’o n ap p e lle radicales. C e s trois lettre s primit
i v e s , e t toujours c o n so n n e s , en tren t essentie llement
» d ans la fo rmation d e tous les dérivés d’une même ra-
» c in e , q u i so n t div ersement m o d ifié s , soit pa r la muta-
» t io n des v o y e lle s d o n t les rad ica le s son t a f fe c té e s , so it
» par l’ad d itio n d’ une o u d e plusieurs lettres. Q u o iq u e c e
- » ne so it pas un usage in disp en sable d’as su je ttir à c ette
» r è g le tous les mots empruntés d e langues é tra n g è re s , je
H. N. T O M E I.cr, 4.° partie.
» p o u r r a is d o n n e r u n e liste nombreuse d e termes e x o -
» tiques ad ap tes e t fa ço n n é s en qu e lq u e sorte au jo u g d e
» la g ramm aire A r a b e . J e n’en c ite ra i qu’un seul e x em p le
» d o n t l’ap p lic a tio n puisse pa rfa itemen t c o n v e n ir au nom
» q u i est l’o b je t d e c e tte n o t e , pa r l’id en tité d e d écompo -
» sition.
» J e ch o is ira i le m o t iblis, d ia b le , b ien é v id em m en t
» d é r iv é d u diabolos d es G r e c s , leq u e l a subi le retran -
» ch em en t d e la premiè re le t t r e , delta [ d ] , p o u r appa rte-
» n i r a la ra c in e ablasa, quatrièm e con ju ga iso n d e bala-
» sa, n o n usité ( rad ica le s b , / , j ) , e t q u i , à c e tte q u a -
» trième fo rm e , signifie desperare. S ’il v e n o it à l’ esprit
» d e qu e lqu es personn es d e trou v e r dans c e m o t une
» d é p e n d a n c e d e sens im méd ia te d e la r a c in e , e t d e
» c r o ir e pa r con séqu en t qu’ il fu t n a t io n a l, j e leu r fe rais
» o b s e rv e r q u e les A ra b e s d éna tu rent d’au tan t plus les
» mots é trangers adoptés pa r e u x , qu’ils ren co n tren t dans
» leu r lan g u e une ra c in e d o n t le sens se rap proch e plus
» d e la sign ifica tion d e c e mo t. J e n e d on n era i pa s à
» c e tte e xp lic a tio n d e plus longs d é v e lo p p em en s , pa rce
» q u e c e se ra it sortir d e mon sujet.
» F id è le s à leu r s y s tèm e , les A r a b e s , en transportant
» dans leu r lan gu e le m o t E g y p t ie n Ieheras ou ieheras,
» o n t d o n c d û le réd u ire à la fo rme p r im itiv e q u e leu r
» grammaire leu r pre scrivo it. P o u r y p a rv e n ir , il ne fal-
» Ioit q u e fa ire d ispa raître l’u n e des q u a tre .consonnes qui
» e n t r e n t dans sa fo rm a tion . II semble d’a b o rd qu e le
» hasard ou le c ap r ic e a seul disposé du sort d e c ette
S s 2