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 trace  si  l’hyoïde  est  entraîné  du  côté  du  larynx  :  alors  tout  le  fond  inférieur  du  
 palais offre  une  stirface  tendue  où  ne se voient ni  rides ni éminences  quelconques.  
 Toute  la  surface  est une  peau jaunâtre,.  finement  chagrinée,  comme à  la  région  
 supérieure  du  palais ;  cependant  cette  peau  est  percée  d une  quantité  de  petits  
 trous  qui  sont  les  orifices  des  glandes  disséminées  entre  les fibres  linguales. Mais,  
 si  l’on  ramène  l’appareil  hyoïdien  vers  l’entrée de  la bouche,  la langue,  tout enveloppée  
 qu’elle  e st,  s’enroule  assez  sur  elle - même  pour  produire  vers  1 extrémité  
 buccale  un  assez gros bourrelet.  Les rapports d ecartement des branchés maxillaires  
 imposent  à  la  langue  sa  forme,  qui  est  celle  d un  fer  de  lance.  J en  ai mesuré les  
 dimensions  sur un  sujet  de  zm, 10;  je  les  ai  trouvées  de  i j   centimètres  en  longueur  
 sur  om,oy  à la base. 
 Malgré  son peu de  saillie,  et  parce  qu’elle  prend  plus  de  relief par  le  rapprochement  
 des branches maxillaires,  la  langue ne manque point  à celui  de ses offices  
 qui  consiste à  retenir  et  à diriger  les  alimens dans  l’oesophage ;  car  le  relief dont il  
 vient  d’être  parlé  est  de  plus  augmenté par le  concours de  l’hyoïde, qui  est  porté  
 en  avant.  La  langue  conserve  sur-tout  sa  fonction  comme  organe  du g o u t. pour  
 être privée d’épaisseur,  elle  n’en  a  que plus  d’étendue;  elle  goûte  au moyen  dune  
 plus grande  superficie. 
 «  C ’est  aussi  le   seul  animal  dont  la  mâchoire  inférieure  ne  soit  pas  mob ile,  et  qui  fasse  au  
 »  contraire  retomber  la  mâchoire  supérieure  sur  l’inférieure.  » 
 Ce  passage  prouve  toute  l’étendue  des  connoissances  des  anciens;  car  il  embrasse  
 une pleine généralité  par  l’exception signalée. 
 On  a  beaucoup  écrit  pour  et  contre  cette  proposition,  sans  que  de  nos  jours  
 on  en fût  plus  avancé.  Cependant  le  sentiment  d’Hérodote  avoir  été  admis  par  
 Aristote, Pline, et généralement par tous les auteurs anciens ;  et c’est dans les mêmes  
 termes  qu’en  ont  aussi  traité  quelques  modernes,  comme Marcgrave,  Oligerus  
 Jacobæus, Marmol,  l’illustre Vésale, les  jésuites missionnaires à Siam, qui virent en  
 ce  lieu  des  crocodiles vivans  et  qui  en disséquèrent.  Mais  à peine  fit-on  attentiojn  
 à  ces  témoignages  au  temps  de  Louis  X IV  ;  on  étoit  alors  engagé  dans  une  querelle  
 sérieuse  qui partageoit  les  sentimens de  tous  les  gens  de  lettres : Les  anciens  
 valoient-ils  mieux  que les  modernes,  ou  les modernes  avoient-ils  une  supériorité  
 marquée  sur  les  anciens!  T e l  étoit  le  sujet  d’une  vive  altercation,  dans  laquelle,  
 comme en  toute  dispute,  on  se passionna  avec  ardeur.  Les  anatomistes  de 1 Académie  
 des  sciences avoient pris parti  contre les anciens  :  de là  la guerre ardente et  
 injuste  qu’ils  firent à Hérodote.  O r, dans  la  suite,  les  noms  de  Perrault  et  de Du-  
 verney  imposèrent  aux  naturalistes  qui,  après  eux,  se  sont  occupés  de  1 organisation  
 des  crocodiles.      jj 
 Il  est sans  doute  surprenant que Perrault, ordinairement  si exact, et qui  eut 1 occasion  
 de disséquer un  crocodile mort à  la ménagerie  du Roi,  n’ait point fait attention  
 à la singulière  conformation  des  crocodiles, et qu’il  se  soit  élevé  avec tant de  
 force  contre la  prétention  des  anciens.  Il  affecta  de  décrire  minutieusement  I ar 
 ticulation  des mâchoires, sans  s’apercevoir  qu’il  fournissoit des  preuves  contre le 
 fait 
 C R O C O D I L E S .   PL.   2.   j p j 
 fait  qu’il se proposoit  d’établir :  car il crut  avoir  victorieusement  relevé  les  erreurs  
 de Marmol,  erreurs  qu’il  a  faussement  attribuées  à Vésale,  établissant,  a v e c   ra ison   
 cependant,  qu’il n’en  est  pas de  la  mâchoire  du  crocodile  comme  de celle du  perroquet; 
  mais  qu’au  contraire  celle-là  forme  avec  le  reste  de  la  tête  une  seule  et  
 unique pièce osseuse. 
 Pour que  des  hommes  aussi  habiles  que  les  Perrault  et  les  Duverney,  et  que  
 l’étoient  aussi  d’autres  naturalistes  qui  dans  la  suite  ont  partagé  leur  sentiment,  
 se fussent également  accordés  à  révoquer en doute un  fait  au  contraire attesté par  
 le plus  grand  nombre  des  observateurs,  il  falloit  sans  doute  que  cette  question  
 fût  embarrassée  de  difficultés  réelles  :  essayons  de  les  aplanir. 
 D’abord  commençons  par  déclarer  qu’indifférens  sur  l’issue  des  premiers  débats  
 nous  nous  proposons moins de  venger  les  anciens  de  l’injustice  de  quelques  
 modernes que  de  faire  connoître un  fait  très - singulier  d’organisation.  Rien  n’est  
 plus paradoxal que  la  tête  des  crocodiles :  plate  et lancéolée,  sa  forme  est des plus  
 singulières, sur-tout si  on  la  compare à  la tête  humaine ;  ce  qu’il  y  a  de  très-volumineux  
 en  celle-ci,  la boîte pour contenir le cerveau, forme  la partie  minime d’un  
 crâne de  crocodile,  quand,  en  revanche,  les  os  maxillaires  et  les  palatins  de  ce  
 crâne  parviennent  à  une  grandeur  excessive,  de  telle  sorte  que  la  puissance de  la  
 fonction,  qui  croît  en  raison  du  volume des  organes,  fait du crocodile  un animal  
 uniquement dévolu à la gourmandise,  et par conséquent l’animal le  plus vorace qui  
 soit. Toute la  tête est, pour  ainsi  dire,  contenue  entre ses mâchoires ; car celles-ci,  
 alors parvenues au maximum  de composition,  s'e  trouvent  formées  d’une série d’os  
 en ligne  continue,  savoir:  la  partie  portant  les  dents  incisives  (adnasal),  la  partie  
 où s’insèrent les dents  latérales  (addental),  la portion  orbitaire  (adorbital) et  la portion  
 palatine  [adgustal).  A   ces  pièces  s’en  ajoutent  deux  autres  en  arrière,  celle  
 qui  est  assise  sur  le  conduit  auditif,  le  cotyléal,  et  le  conduit  lui-même,  ou  l’énos-  
 téal.  Cette  ligne  prolongée  correspond  à  l’étendue  considérable  des  mâchoires  
 inférieures,  et  constitue  ces  longues  arcades  maxillaires  qui  flanquent,  en  les  dépassant  
 en  arrière,  toutes  les autres  pièces  de  la  tête,  qui font  rentrer  les  joues  et  
 les  tempes plus  en  dedans,  et  qui soumettent  enfin  à  tous  les  excès  de  l’atrophie,  
 à un état de moindre  volume,  les  parties  crâniennes  du  centre  de  l’édifice,  celles  
 précisément  que  l’on  considère  comme  en  étant  les  plus  importantes  et  les  plus  
 éminemment  utiles,  ou celles  qui  concourent  à  l’emboîtement  du  cerveau. 
 Dans cet état de choses, il est bien  vrai que  les branches maxillaires supérieures ne  
 forment point  des  parties détachées  du reste de  la tête, comme  on  l’a  trouvé  chez  
 quelques  oiseaux, particulièrement chez  les  perroquets, et que, par  conséquent,  la  
 question  envisagée  de  la  sorte  se  trouve  décidée  comme  l’avoient  entendue  les  
 plus anciens membres de  l’Académie  des  sciences.  Mais cette  question  n’auroit là  
 ete encore  véritablement considérée  que sous  l’une de  ses  faces,  dès  qu’il  est  tout  
 aussi  vrai  de dire,  comme  l’a  fait  Hérodote,  et  comme  on  l’a  si  souvent  répété  
 après  lui,  que  la mâchoire  supérieure  s’élève  pour  agir  particulièrement  et  pour  
 se  porter al encontre de l’inférieure,  qui  reste fixe. Il ne manque, pour accorder  ces  
 deux propositions  qui  semblent  se  contredire,  que d’ajouter  qu’entre  les branches 
 H. N.  TOME  I.»,  i.”  partie.  C  c