pour l’expliquer puérilement ou par des suppositions controuvées, et d’aütres
pour s’en autoriser à rejeter la véracité du père de l’histoire î
C ’est en suivant Hérodote pas à pas que j’ai procédé dans mes recherches concernant
le crocodile ; je vais encore le suivre dans l’exposition que j’en dois
donner ici.
ec Pendant les quatre mois d’hiver, les crocodiles ne prennent aucune nourriture. »
Mes informations m’tmt procuré des réponses qui toutes ont contredit cette
observation ; mais, loin qü’on doive èh prèttdre occasion de soupçonner la véracité
d’Hérod'ote, je récoïinois àti contraire qu’il n’a rapporté qü’un fait probable, qu’un
fait des habitudes générales des reptiles. Bartram raconte la même chose des crocodiles
qu’il a observés ert Amérique. Il est vrai que ces crocodiles sont, dans cette
contrée septentrionale, plus décidément asservis à de propres et natives habitudes;
ils y vivent sous une dépendance moins directe de l’espèce humaine, dans des pays
plus froids, moins peuplés, et peut-être plus nouvellement abandonnés par les
eaux, trouvant en plus grande quantité, pour en faire leur résidence, des anses et
lieux déserts où ils puissent se cacher et demeurer impunément engourdis pendant
tout l’hivér. Il est donc naturel dépenser que lé crocodile du Nil âvoit, au temps
d’Hérodotè, été assujetti à ces faits de moeurs générales ; mais il n’en seroit plus
ainsi présentement que l’action du temps, que la main des hommes àuroient
façonné toutes les rives du fleuve, e t, de cette manière, auroient fait entrer le
crocodile dans des Voies de prévoyance et d’activité. E t, de plus, on sera sans
doute attentif aux conséquences des documens suivans : il y avoit autrefois des
crocodiles dans la basse comme dans la haute Egypte ; et il n’en existe plus présentement
dans les ceht lieues de longueur du Nil inférieur ; il faut remonter
jusqu’à Thèbes pour en apercevoir.
Ce rapprochement donne lieu à plusieurs questions de quelque intérêt. L ’état
physique du sol èt de 1 atmosphère â-t-il depuis deux mille ans subi en Egypte
quelque altération! ou bien le Nil àuroit-il autrefois nourri plusieurs autres espèces
ayant pü s'accommoder d’un abaissement de température, tel que le ferôit présumer
l'hibernation des animaux! ou bien, comme tout-à-l’heure nous l’avions pressenti,
le Crocodile auroit-il été seulement relégué et se trouveroit-il contenu dans les
Cent lieues du fleuve supérieur par le développement progressif de 1a population,
et sur-tout par l’accroissement de 1a puissance industrielle ! Cependant pourquoi
ces causes,auxquelles 1a dure tyrannie de quelques gouvernemens pendant le moyen
âge auroit depuis fait perdre de leur intensité ; pourquoi ces causes, qu’on sait si
ardentes, si diverses et si multipliées, pour Opérer 1a dissémination des espèces
dans tous les lieux favorables à leur établissement, n’auroient-elles point alors réagi
et rendu le Crocodile à la bàsSe Égypte! Le crocodile, qui n’avoit qu’à descendre,
qu’à se laisser entraîner par les eaux, y eût trouvé plusieurs retraites inaccessibles;
car il en est encore de telles aüx abords des grands lacs, près des embouchures de
chaque brahche. 'Or là il eut rencontré des conditions comme en avoit observé
Bàrtram, une température froide et pénétrante pendant une partie de l’année, une
saison pluvieuse à conjurer par l’hibernation, et la possibilité de se défendre dans
les autres saisons par 1a toute-puissance d’un caractère formé tout-à-la-fois d’audace
et de prudence, de ruse et de férocité.
Cest ainsi que je conçois que sil y avoit au temps d’Hérodote des crocodiles
vivant librement dans l’Égypte inférieure, ils y étoient tenus, à raison de la basse
température des contrées maritimes pendant te saison rigoureuse, au régime des
animaux sujets à l’engourdissement.
« Le crocodile, quoique quadrupède, vit également à terre et dans l’eau. »
Le crocodile n’est pas néanmoins un véritable amphibie, comme nous le
pourrions dire de quelques animaux, soit reptiles, soit crustacés, qui ont les deux
sortes dorganes respiratoires, et qui sen servent alternativement dans les deux
milieux, 1 air et i eau. Animai aerien, puisqu’il respire l’air en nature , il n’est
bien 1 aise, il ne se croit en lieu de sûreté, il ne se montre rusé, entreprenant,
il ne s’anime et il ne poursuit sa proie que dans i’eau. Il est donc placé par son
organisation sous deux nécessités, sous deux impulsions qui se contrarient par
leur exigence simultanée. Diversement excité et entraîné, il vit habituellement
dans l’état fâcheux qu’engendrent chez les animaux des besoins non pleinement
satisfaits : il est inquiet, farouche, et, en conséquence, le plus souvent cruel sans
nécessité.
Cependant, ce qui lui procure les bénéfices d’une heureuse compensation,
ses narines ont une disposition propre à concilier des besoins en apparence
contraires : terminales à l’extrémité d’un long museau, elles arrivent à fleur d’eau
pour puiser dans l’atmosphère l’air nécessaire à la respiration. Leurs seules entrées
sont dehors; l’animal reste plongé sous l’eau, et parvient ainsi à se dérober au
danger d être aperçu. Nous aurons dans te suite occasion d’exposer les autres
ressources de cet organe des sens, d’une étendue et d’une utilité à n’être aussi
considérables que chez les crocodiles.
« II pond toujours ses oeufs sur le sable, où ils éclosent. »
Aristote parle aussi de l’incubation de la femelle du crocodile, en se conformant
sans doute à l’autorité de ce passage. On m’a de toutes parts assuré que
la chaleur solaire faisoit seule éclore les oeufs du crocodile. Hérodote n’auroit-il
etendu ses observations qu’à une sorte de surveillance exercée par les mères,
quaux soins quelles prennent de leurs oeufs près d’éclore, il eût dit vrai. J’ai
désiré savoir combien il s’écouloit de jours entre la ponte et te naissance des
jeunes crocodiles : ce temps, qu’on n’a pu m’indiquer avec une exacte précision,
est, ma-t-on dit, d’un mois.
Deux ennemis du crocodile, l’ichneumon et le tupinambis, se mettent à la
ecierche de ses oeufs, nourriture dont ils sont très-friands. Les anciens Égyptiens
eur en ont su gré comme d’un service : c’étoit attaquer et poursuivre jusque
ans les sources de sa reproduction un des animaux les plus malfaisans. Le
pinambis, qui nage tres-bien, fait en outre une guerre continuelle aux jeunes
H. N. TOME ],«*, i.« partie. B b i