savoir : le système pulmonaire, la cavité du thorax; et le système trachéen, celle
de l’abdomen. . " "
Nous avons donc maintenant des données certaines pour comprendre ce qui,
des habitudes des crocodiles, étoit d’observation, ce qu’il falloit admettre comme
incontestable, et pourtant ce qu’alors la réflexion devoit porter a considérer
comme tout-à-fait contraire aux allures d’un animal à sang froid, et vraiment à
rejeter, comme une chose impossible. Animal aérien par sa respiration pulmonaire,
à terre seulement le crocodile auroit dû se cbmplaire, et pour y puiser
les moyens de sa plus grande vitalité, dès que ces moyens sont toujours proportionnels
à la quantité de respiradon, aux plus riches résultats de l’oxigénation
du sang. Mais tout au contraire, nous savions, à n’en pouvoir douter, que le crocodile
hésite et vit inquiet hors de l’eau; il ne sait prendre aucun parti pour
attaquer et se défendre, s’il est à terre; il ne s’y rend que pour dormir, ce dont
nous avons plus haut donné les motifs. Sa toute-puissance, il la déploie quand
il est dans le milieu aquatique : là seulement il est un animal indomptable; alors
sa vélocité est extrême, et son ardeur l’emporte au-delà de sa prévision. Elle lui
rend possibles, faciles même, les plus grands excès : c’est toute l’énergie et la
puissance d’un animal à sang chaud. Nous avions ce spectacle sous les yeux, que,
fascinés par toutes nos idées d’affinités naturelles, nous étions restés dans la persuasion
que c’étoit avec une certaine provision d’air que le crocodile fournissoit
à une si grande dépense, qu’il pourvoyoit à tous les travaux d’un chasseur infatigable.
Mieux informés présentement, nous pouvons assigner à tous ces effets leur
véritable cause | le crocodile respire dans l’eau, et il le fait avec d autant plus de
profit qu’il se livre davantage à l'ardeur de la chasse. L ’un des excès produit l’autre,
et réciproquement. L e degré de sa vitalité dépend de l’étendue des surfaces abdominales
et intestinales qui ressentent lés effets de l’oxigénation ; et cette plus grande
vitalité à son tour, étant mise à profit, fait agir les muscles avec plus de force
pour exercer une plus grande compression sur les intestins, et avec plus de vitesse
pour augmenter les bénéfices de ces phénomènes d’oxigénation ou de respiration
aquatique. .
Or tous ces effets me paroissent produits par une natation rapide. .La natation
du crocodile s’effectue par le jeu de ses deux paires d’extrémités : qu’il arrive aux
muscles de la paire thoracique,'alors reportée vers le haut, detr.e dans la restitution,
la chaîne des os sternaux avec ce qui les revêt est entraînée du côté du
Pacdn ; mais elle y est sur-tout amenée violemment, si la contraction des muscles
abdominaux accroît à ce mouvement : les. eaux contenues dans l’abdomen sont
alors sollicitées à refluer vers l’entonnoir des canaux péritonéaux. Dans ce cas,
se produisent les effets de la respiration aquatique ; et ils ont lieu avec uneintem
sité de résultat qui est naturellement proportionnelle au degré de contraction des
muscles abdominaux. Mais qu’au contraire les membres thoraciques soient abaisses
et disposés le long du/corps, les deux sternums et leurs tégumens sont, par la
contraction des, muscles qui se portent à l’épaule et sur l’humérus, ramenés du
côté de la tête; ce qui ne sauroit arriver qüe tout le plastron du sternum abdominai
ne soit soulevé, les muscles qui y sont répandus étant à leur tour dans
la restitution. Sans cet effort, il s’établiroit un vide, s’il étoit possible, dans une
cavité ayant une double, issue a 1 extérieur. Mais, au lieu de ce vide qu’on sait
en pareil cas impossible, vous trouvez que ce qui se pratique à l’extrémité
thoracique du tronc est exactement reproduit vers 1 autre, extrémité : il n’y a de
changé que le lieu de la scène çt le fluide ambiant. Ce n’est plus l’air, mais l’eau,
que déplace la pression de 1 atmosphère ; le fluide ambiant, Sur lequel pèse l’at-
mosphere, afflue vers les deux issues du cloaque; il y pénètre, et, se portant
dans les canaux péritonéaux, il vient remplir les espaces agrandis de la cavité
abdominale.
Je me croyois déjà plus haut [page 221 ) autorisé à demander, comme.lorsqu’il
s’agit de signaler des nouveautés tout-à-fait inattendues, que l’on voulût bien
demeurer fixé sur tant de ressources ménagées, sur une mécanique aussi ingénieuse.,
sur tant et de si nouveaux moyens, dont je trouve l’organe respiratoire enrichi. Cependant qu’est-ce que cela auprès d’une aussi puissante faculté que celle
de la respiration de, tout l’abdomen ! Ajoutez que ce résultat si remarquable est
acquis sans des moyens proportionnels à son importance ; c’est-à-dire, sans qu’il y
soit pourvu par des complications d’un nouveau système de conformation.
Mais alors que de singularités nous avons deja passées en revue, qui recommandent.
puissamment l’organisation des crocodiles à l’attention des physiologistes
! Cependant cèlle-ci surpasse toutes les autres. En effet, rien de nouveau
ne vient ici surprendre ; c’est moins un systèmè qui seroit construit à grands
frais, qu’une sorte d’altération du plan commun ; il a suffi pour cela d’une légère
déformation , d’une double perforation des membranes diaphragmatiques qui
séparent les emplacemens où sont logés, d’une part, les intestins, et, de l’autre,
les organes sexuels.' Pour faire ressortir notre explication, j’allois dire que ces
nouveaux arrangemens seroient devenus l’effet d’une négligence, en songeant à
ces faitsfl’arrêt de développement que j’ai tant de fois signalés dans mes recherches
sur la monstruosité. Si j insiste autant que je le fais sur ces considérations, c’est
qu’il me paroît nécessaire de montrer jusqu’à quel degré et comment les moindres
modifications apportent des .changemens dans les composés organiques. On ne
sauroit trop revenir sur cela, trop insister sans doute sur le caractère de toute-
puissance de la nature, non moins étonnante dans l’admirable simplicité de ses
moyens que dans la variété infinie de ses ressource^.
Enfin je comprendrai encore dans ces développemens quelques réflexions sur
1 insuffisance de la respiration aquatique, pour le moment où les crocodiles doivent
prendre du repos et se livrer au sommeil. Comme la respiration abdominale, pour
etrepossible, exige une préalable séparation des molécules de l’air d’avec celles de
1 eau, et que, pour cet effet, l’emploi d’une grande force musculaire, est nécessaire,
ce mode de respiration est sans résultat pour .un crocodile endormi. Par conséquent,
que ses forces soient épuisées, un crocodile ne sauroit së dispenser de se
rendre a terre et de s’y conduire comme un animal restreint aux seules ressources
«e la respiration aérienne. Ainsi ce que nous venons de faire corinoître d’un