■de cette même mâchoire supérieure sont établies, entassées et renfermées, toutes
(es parties de la face et des moyennes régions de la tête. Ainsi c’est toute la tête
qui se met en mouvement et qui joue sur des axes pour retomber sur la mâchoire inférieure,
qui n’est pas mobile, ou, du moins, qui n’est passible que d’un mouvement
presque insensible.
Voilà ce qui est hors de doute pour qui voit un crocodile vivant. Une apparence
trompeuse ajoute son illusion à la réalité : on ne croit pas la mâchoire supérieure
terminée à ses condyles articulaires; un renflement considérable qui est par-delà
paroît produit par un arrière-crâne, mais en ce lieu n est cependant que la colonne
cervicale comme à l’ordinaire, rendue toutefois remarquable par deux considérations
très-singulières.
i C a r , bien que formée de vertèbres en même nombre et aussi distinctes que
chez les mammifères, la colonne cervicale est privée de mobilité. Cet état de
choses est causé pour chaque vertèbre par des apophyses multipliées, longues et
rapprochées. Leur enchevêtrement fait de toutes les vertèbres une tige résistante,
ne pouvant non plus se fléchir que si c’étoit un os unique.
2.° Je viens de signaler un renflement que l’on prend ordinairement pour l’ar-
rière-partie de la tête : il a plus de largeur que la base du crâne, donnant lieu à un
relief extraordinaire de la moitié antérieure de la région cervicale ; l’illusion se
complète de ce que, nul dans la seconde moitié, ce gonflement s’y porte en s’atténuant
insensiblement, et de ce qu’il semble circonscrire au-delà un cou bien pris
dans toutes ses proportions. Cependant ce qui a occasionné cet excès de volume
n’est autre que l’intervention entre les muscles spinaux de muscles dépendant du
palais, des deux paires de ptérygoïdiens : parvenus à une hypertrophie dont le
crocodile seul fournit un exemple, ces muscles ont une grosseur considérable.
Pour qu’il en soit ainsi, la mâchoire inférieure est d’un sixième plus longue que
la supérieure et le crâne tout ensemble. Ce surplus de longueur accroît encore au
volume du renflement cervical.
Et ce qui vient confirmer enfin toutes les idées émises précédemment sur la pai t
exclusive de la tête dans les mouvemens des mâchoires, c’est que les maxillaires
inférieurs ne vont point porter des tubérosités condyloïdales dans des cavités crâniennes,
mais que l’inverse a lieu : le grand os du conduit auditif, que l’on a
nommé caisse, os carré, et que j’ai enfin nommé énostéal après l’avoir déterminé
rigoureusement dans mes recherches sur les os de la tête, ce grand os fournit
un condyle large et à double tubérosité; et à son tour la mâchoire inférieure
présente, à l’articulation de cette forte saillie, une cavité à double facette où
s’articule par ginglyme ce double condyle de fénostéal.
J’ajouterai que la mâchoire inférieure est rendue fixe, d’une part, par la retenue
des muscles ptérygoïdiens, et, d’autre part, par des entraves résultant de ce
que la longue apophyse qui termine les maxillaires inférieurs décrit une courbe,
et atteint supérieurement sous une très-forte écaille les tégumens de la région
cervicale.
En dernière analyse, la tête est maintenue vers ses points d’articulation comme
le corps d’une boîte lest pai- ses charnières à son couvercle. La tête du crocodile
et les mouvemens de ses parties donnent lieu de recourir à cette image : c’est le
corps d’une boîte renversée qui s’ouvre et qui se ferme sur son couvercle, que des
circonstances auroient privé de mobilité. Les deux mâchoires, capables seulement
dun mouvement simple de haut en bas, ne peuvent se porter ni à droite ni à
gauche, et sont ainsi privées de faire subir a la proie, et généralement aux alimens,
une sorte de trituration.
« II a des ongles extrêmement forts, et une peau écailleuse qui est impénétrable sur le dos. »
Les crocodiles ont cinq doigts aux pieds de devant et quatre à ceux de derrière ;
et de ces doigts ti ois sont armés d ongles a chaque pied. Quoique forts et robustes,
ils ne constituent point de griffes offensives ; les crocodiles s’en servent
seulement pour traîner, dépecer et aller cacher au fond des eaux une proie qu’ils
se sont appropriée et qu’ils ont déjà mise à mort.
La peau écailleuse du crocodile est aussi une condition organique qui le caractérise
exclusivement ; mais d’ailleurs c’est moins l’écaille, laquelle en forme la
couche extérieure, que sa base entièrement osseuse, qui est impénétrable. Il faut
se servir de lingots de fer pour entamer une telle cuirasse : la balle de plomb ne
pénétré pas, elle s aplatit ; a moins cependant qu’elle n’atteigne le crocodile sous
l’aisselle ou près des oreilles.
Le système osseux, qui révèle nettement et plus sûrement que tout autre les
véritables affinités des etres, forme, par sa prédominance effective un sujet de:
haute et tres-importante considération. Or il arrive qu’après avoir satisfait chez le
crocodile a toutes ses exigences comme de coutume, je veux dire qu’après avoir
fourni un squelette parfait, et même plus complet qu’ailleurs, dans ce sens qu’il est
des cercles osseux pour enceindre l’abdomen et pour prolonger le coffre pectoral
jusqu au bassin ; il arrive, dis-je, que ce même système abonde en outre dans le tissu
de la peau, principalement sous les plaques écailleuses de la nuque. Là sont des
os parfaitement achevés. Une déviation de l’ordre commun a-t-elle produit dans
ce lieu un accroissement extraordinaire des extrémités nerveuses cutanées, ce ne
sont plus des gaines terminales pour un bulbe de poils ou pour la racine d’une
écaille : ces gaines, agrandies à l’excès, sont autant de bourses qui, en s’étendant,
acquièrent la consistance et les facultés de sécrétion du périoste.
Les tatous chez les mammifères, le polyptère et le lépisostée chez les poissons,
sont les seuls animaux que je connoisse qui se rapprochent du crocodile par ces
particularités d’organisation.
« II voit mal dans I eau ; mais en plein air sa vue est très-perçante, s,
Procope a constaté que les crocodiles voient très-bien et de loin en plein air : il
a souvent essayé d’en approcher assez pour tirer dessus, et il les a toujours vus
isparoitre et plonger dès qu il en a été aperçu. J’ai répété la même observation à
e de Tfiebes et a celle dHermonthis. Aussitôt que les crocodiles m eurent
aperçu, je les vis se retourner lentement et se diriger vers le fleuve : ils s’y jentt
N. TOME I.«, .«partie. ' ■ Ce 2