devient cinq ¡fois plus oourte, en sorte que le rapport de la nageoire du dos est
tantôt : : i : ÿ, tantôt : : i : i , et tantôt enfin : : i : y.
C’est dans Je Nil que vivent la plupart des mormyres ; et l’on a même cru pen.
dant long-temps que'ce genre n’existe pas dans les autres fleuves de l’Afrique
mais des recherches ultérieures ont permis d’apprécier à sa juste valeur cette
opinion basée uniquement sur les résultats d’observations trop incomplètes et trop
peu nombreuses. Ainsi l’on ne peut plus douter aujourd’hui qu’il n’y ait aussi des
mormyres dans le Sénégal, le Muséum d’histoire naturelle possédant un individu
qui a été péché dans ce fleuve.
Tel est le singulier genre des mormyres, dont j’ai cru devoir indiquer les principaux
caractères zoologiques et anatomiques, non-seulement parce que, ce groupe
étant principalement composé d’espèces vivant dans le Nil, il semble que sa description
ne puisse être omise dans un ouvrage consacré à l’histoire spéciale des
animaux de l’Egypte, mais aussi à cause du peu de notions exactes que la science
possède, de nos jours même, à l’égard de ces poissons.
Au reste, il est à remarquer que, si les mormyres sont restés si long temps comme
ignorés des naturalistes, et s’ils sont encore si imparfaitement connus, cette lacune
de la science ichthyologique doit moins être imputée au défaut de zèle ou de talent
des voyageurs qui ont exploré les différentes régions dé l’Afrique, quant
habitudes elles-mêmes et au genre de vie des espèces de ce genre. C’est au fond
du fleuve, dans les endroits où se trouvent amassées un grand nombre de pierres,
que presque tous les mormyres se tiennent habituellement; circonstance qui rend
leur pêche très-difficile. Ils sont d’ailleurs nocturnes et très-craintifs; et ce n’est
qu’avec la plus grande peine que l’industrie humaine parvient à les attirer par des
appâts et à s’en emparer : aussi est-il certain que si leur chair, qui est1 ferme et un
peu musquée, mais d’un excellent goût, ne passoit dans toute l’Egypte pour une
nourriture très-agréable, et sans le prix assez élevé auquel ils se vendent, personne
ne voudroit se livrer à une pêche qui donne toujours de foibles résultats, el
qui exige à-la-fois beaucoup de précautions et de soin , beaucoup d’adresse et de
patience. En effet, elle ne permet pas l’usage si commode et ordinairement si avantageux
du filet ou de l’épervier; mais elle doit être faite au moyen d’une lignearmée
de plusieurs hameçons, qu’on a le soin de placer à quelque distance les uns des
autres, et qu’on amorce avec des vers : la corde de la ligne, ordinairement très-
longue, se termine par un morceau de plomb qui doit être placé au-dessous, mais
à peu de distance des hameçons. On conçoit que, par l’effet de cette disposition
fort simple, mais assez ingénieuse, les appâts vont plonger au milieu des pierres
qui servent de retraite aux mormyres, et ne peuvent manquer d’en être aperçus;
mais cela même ne suffit pas encore. Comme s’ils dédaignoient une proie trop
peu abondante, ces poissons ne se déterminent à quitter leurs inaccessibles retraites
et à se porter vers les hameçons que lorsqu’on leur présente à-la-fois un
grand nombre de vers; ce qui rend nécessaire l’association de plusieurs hommes,
qui, agissant de concert, s’entendent pour jeter tous leurs lignes dans le même lieu.
Au moyen de toutes ces précautions, et du soin qu’ils ont de choisir une anse ou
il y ait peu de courant, les pêcheurs, ordinairement réunis au nombre de douze,
prennent communément de dix à trente individus dans une nuit (1).
C e procédé, ou, si l’on peut employer cette expression, cette méthode de pêche,
usitée aujourd’hui dans presque toute l’Égypte et particulièrement à Qené, est
très-remarquable : elle nous montre comment des hommes aussi simples et aussi
grossiers que le sont les pecheurs du Nil, ont su triompher d’obstacles que l’on doit
consrderer comme tres-graves, puisquils ne tenoient pas a quelque circonstance
locale, mais bien aux habitudes naturelles des mormyres. En effet, ces poissons,
cachés dans des retraités ou 1 art chercheroit en vain à les atteindre, et d’où la ruse
peut seule les faire sortir, sembloient par leur genre de vie même protégés contre
tous les efforts de l’industrie humaine. Au reste, il paroît que les anciens eux-
mêmes connoissoient assez les habitudes des mormyres pour avoir mis en pratique
la partie la plus essentielle du procédé des pêcheurs de Qené, l’usage de
l’hameçon : c’est du moins ce qu’on peut conclure d’un passage du Traité d’Isis et
d’Osiris dans lequel Plutarque fait mention de l’oxyrhynque (2).
Les mormyres entrent en amour dans la première quinzaine d’août, c’est-à-dire,
vers l’époque de l’accroissement du Nil ; ce que mon père a constaté à l’égard de
toutes les espèces du genre. Les organes de la génération sont alors développés à
l’excès, de forme, globuleuse, et s’étendent sur presque tous les viscères de l’abdomen
: à une époque plus avancée de la saison, les testicules et les ovaires sont
au contraire affaissés et de forme cylindrique.
Mon père, qui a cherché pendant son séjour en Égypte à constater tous les faits
d’histoire naturelle recueillis par Hérodote, et qui s’est convaincu, par de nombreuses
observations, de l’exactitude des récits de ce grand homme, a reconnu
que l’un des, passages, les plus remarquables du second livre doit être appliqué aux
mormyres, et que les détails qu’il contient sont aussi vrais que pleins d’intérêt.
« On a observé, dit Hérodote, que ceux de ces poissons voyageurs que l’on prend
» lorsquils descendent le fleuve, ont la tête meurtrie du côté gauche, et que ceux
» que l’on prend à leur retour, l’ont du côté droit. Voici la cause de cette singularité
: lorsque les poissons se rendent à la mer, ils ont la terre à gauche, et
» quand ils reviennent, ils l’ont à droite ; et comme ils se foulent et se rangent
» très-serrés près du rivage, afin de ne pas perdre leur route et de n’être point
»entraînés par le courant, ils portent les marques du frottement qu’ils ont
» éprouvé (3). » Ces détails, fort curieux, avoient été révoqués en doute, et il
sembloit même assez difficile de les concevoir, jusqu’à l’époque où les observations
de mon père ont démontré leur exactitude. Les mormyres ont le plus ordinairement
la tête meurtrie après leurs migrations; et ce fait s’explique même facilement:
_. (0 ^*es détails et les observations encore inédites que
Ion trouvera dans la suite de ce travail, sont en grande
partie extraits des notes que mon père a recueillies en
Egypte.
(2) a Quant aux poissons de mer, tous ne s’abstiennent
»pas de tous, mais les uns d’auscuns, comme les Oxyrin-
» dûtes, de ceux qui se laissent prendre avecques l’hame-
H. N. TOME I.er, !.repartie.
» çon : car d austant qu’ils adorent le poisson qui se nomme
» oxyrinchos, qui est dire bec-agu, ils ont doubte que l ’ha-
» meçon ne soit immunde, si d’adventure le poisson-oxy-
» rinchos l’auroit avalé. » ( Trad. d’Amyot, page 288,
tome XI de l’édition de 1784- )
(3) Euterpe, ou livre 11, §. 93 ( traduction de M. Miot,
tome I , page 292 ),
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