
ouvrages. Il est cependant bien démontré aujourd’hui que les mormyres .beaucoup
moins anomaux qu’on ne l’avoit supposé, ont tous ces élémens organiques dont
la réunion caractérise les poissons normaux; et M. Cuvier, dans sa classification
ichthyologique, n’a pas hésité à les reporter au milieu de l’ordre des malaco-
ptérygiens abdominaux, entre la famille des ésoces et celle des cyprins.
Ce qui avoit fait croire que les mormyres manquent d’operc’ulès et n’ont q u ’un
seul rayon branchial, ce qui les avoit fait placer par Gmelin à la tête' de l’ordre
des branchiostéges, c’est la disposition suivante : une peau nue recouvre la tcte
tout entière, sè prolonge sur les opercules et sur lès rayons des’ouïes, les enveloppe,
et les dérobe à l’oeil de l’observateur, en laissant seulement pour l’ouverture
branchiale une fente verticale très-peu étendue, à travers laquelle on aperçoit
à peine les organes mêmes de la respiration.
En outre, cette membrane qui recouvre les opercules se prolonge au-delà de
leur partie libre et les déborde en arrière, en sorte qu’ils se trouvent compris et
comme encadrés dans celle-ci; double disposition à laquelle on doit donner beaucoup
d’attention, soit à cause du haut degré d’anomalie qu’elle semble produire,
soit à cause de l’influence physiologique qu’elle exerce.
En effet, il résulte de là, d’une part, que l’appareil ossëux des: ouïes" est très-
difficilement visible à l’extérieur, et, de l’autre, que l’opercule n’est plus susceptible
que de mouvemens peu étendus, et que l’ouverture branchiale devient
trop étroite pour donner passage à-la-fois à un volume "d’eau un peu considérable.
Ces modifications ne peuvent, au reste, être regardées dans leur ensemble
comme défavorables à l’animal, en ce sens qu’elles rendraient moins facile chez
lui l’accomplissement de la fonction respiratoire. Il suffit, en effet, de réfléchir
quelques instans au mode d’action de l’air sur les branchies dés poissons, potir
concevoir que l’étroitesse de l’ouverture branchiale, le peu de1 làigeur de là
cavité qui loge les ouïes, et même le défaut de liberté dans les mouvemens'de
l’opercule, sont autant de conditions qui tendent à permettre l’emploi d’une
force musculaire moins grande.
Au reste , lorsqu’on examine un squelette de mormyre, l’opefcule et les rayons
branchiaux, dont le nombre est de cinq ou six, sont aussi visibles que chez tout
autre poisson, et ne paraissent guère differens de ceux de la plupart des osseux
que par des dimensions un peu plus restreintes. C’est ce que montrent parfaitement
les figures 6 , 7 et 8 de la planche 6, où se trouvent représentés , chez plusietiis
espèces (1), le crâne et tout l’appareil osseux de la respiration.
La tête est en outre très-remarquable à d’autres égards. L’ouverture de labouche
est, comme celle des ouïes, très-étroite : c’est une fente transversale qui occupe la
partie antérieure du museau et se prolonge à peiné sur les Côtés. !|
Ce singulier caractère des mormyres les a fait comparer par M. Cuvier à des
animaux d’une organisation d’ailleurs bien différente, les mammifères édentés connus
sous le nom d e. fourmiliers ; et il est à remarquer que M. de Lacépède les avoit
( 1 ) Fig. 6 , le Mormyre oxyrhynque; fig. 7 , le Mormyre d’Hasselquist, et fig. 8 , Le bané [Mormyrui
cyprinoïdes 1
’ aussi
aussi plus anciennement, mais sous un autre point de vue, rapprochés du genre
Myrmtcophaga. En effet, quelques mormyres ont, comme les espèces de ce dernier
groupe, la tête alongée à l’excès ; et c’est ce rapport que M. de Lacépède avoit plus
particulièrement saisi.
L’intermaxillaire et la mâchoire inférieure sont garnis de petites dents qui se
trouvent disposées très-régulièrement en arc sur tout le pourtour de l’ouverture
buccale: ces dents sont généralement très-fines, mais en même temps assez larges
à leur sommet, où se voit une échancrure quelquefois très-prononcée, mais quelquefois
aussi à peine sensible ; leurs formes et leur grandeur proportionnelle sont
d’ailleurs un peu différentes, suivant les espèces où on les observe. En outre, il
existe sur la langue une bande alongée de dents en velours. Quant aux autres
organes de la digestion , ils offrent également quelques caractères particuliers.
Le canal alimentaire ( planche 6, fig. 3 et 5 ) se compose d’un oesophage assez
court et situé au-dessus du coeur, d’un estomac de forme arrondie, de deux
coeçums assez courts, roulés sur eux-mêmes, et presque égaux en longueur,
et d’un intestin long et grêle qui, après avoir embrassé les coecums par quelques
circonvolutions, se rend presque en ligne droite à l’anus. Le foie est de forme
arrondie : la vésicule biliaire, qui est assez exactement circulaire, est placée à sa
partie moyenne. Les rates, au nombre de deux, représentent de petits sacs
remplis de sang, placés à peu de distance l’un de l’autre. Les deux reins, enveloppés
dans une membrane commune, sont étendus sur les parois de la vessie
natatoire : celle-ci (planche 6, fig. 3 et 4), simple et de forme à peu près cylindrique,
est très-large, et sa longueur égale celle de l’abdomen tout entier. Le
coeur, dont la position a déjà été indicjuée, est, au contraire, d’une extrême
petitesse; et l’aorte est presque aussi volumineuse que lui-même à son origine,
où elle présente une sorte de prolongement en cul-de-sac. La veine cave est
aussi, principalement dans sa partie moyenne, remarquable par sa grosseur. Enfin
il existe dans la cavité abdominale une grande quantité de graisse dans laquelle se
trouvent enveloppés en partie l’estomac et le canal intestinal.
.Les mormyres, assez semblables par leurs formes générales et même par leurs
couleurs à la plupart des poissons osseux, ont le corps comprimé, oblong et couvert
d écailles dont la figure et la grandeur varient suivant les espèces. Leur queue,
tres-alongée, se termine par une nageoire toujours fortement échancrée, et qui est
meme le plus souvent composée de deux lobes entièrement séparés : large près de
son origine, mais plus-étroite dans sa partie moyenne, elle s’élargit de nouveau
vers son extrémité, en même temps qu’elle devient un peu plus renflée, à cause de
la presence dans cette partie de glandes assez volumineuses.
Les nageoires pectorales, les ventrales, la caudale et sur-tout la dorsale et l’anale,
offrent des variations remarquables, suivant les espèces où on les considère. Quelques
exemples suffiront pour faire juger de toute l’étendue des différences que ces
dernieres sont susceptibles de présenter : chez le Mormyre d’Hasselquist, la dorsale
est près de sept fois plus longue que l’anale ; chez le bané et chez plusieurs
autres, elle est seulement égale à celle-ci; et chez le Mormyre de Behbeyt, elle
H. N. TOME I.” , partie. Mni