.cavité, laquelle est assortie de forme et comme taillée pour etre occupée et
remplie par la glotte. C ’est derrière le voile du palais, et en s’appuyant sur la partie
nue des hérisséaux, qu'arrive le large cuilleron de l’hyoïde, que je nomme ainsi
de sa ressemblance avec ce qui forme le cuilleron d’une pelle de bois. Cette large
plaque, roidie par des efforts musculaires, repousse le voile du palais en avant, y
procure également une forte tension, et, durant cette manoeuvre, rapproche si
intimement tout le pharynx , que l’arrière-bouche est close hermétiquement : tout
cela s’exécute pendant que les mâchoires restent ouvertes et béantes, c’est-à-dire,
pendant que le crâne est relevé et tiré par derrière, la mâchoire inférieure demeu
rant étrangère à ces mouvemens.
Les crocodiles, lorsqu’ils cèdent au besoin de se rendre et de se reposer sut
la grève, usent de cette ressource pour se prémunir contre l’accès et les incommodités
d’insectes qui voltigent sans cesse autour d’eux, et dont ils craignent l’introduction
dans leur trachée-artère. Il est vrai qu’ils n’en peuvent en même temps
défendre leur voûte palatine et leur langue ; mais ils se confient sur ce point aux
soins du trochilus [ petit pluvier ] , lequel ne manque point d’arriver et de faire
bonne et prompte justice d’aussi fâcheux assaillans.
Les appareils hyoïdien et laryngien, la langue et le voile du palais, s’emploient
de même à fermer l’arrière-bouche quand les crocodiles demeurent gisans sur les
rampes inondées du fleuve. Ces reptiles dressent leur tête de manière à n’apporter
à fleur d’eau que l’extrême pointe de leur museau, ne plaçant par conséquent
dehors que les ouvertures de leurs narines. Telle est leur continuelle manoeuvre,
au moment de se mettre en course,: ils pourvoient leurs cellules pulmonaires, et
généralement leurs voies aériennes, des provisions d’air qui leur sont nécessaires,
Je ne connois que l’hyoïde d’une tortue, la Testudo imbricata, qui ressemble à
l’hyoïde des crocodiles par son ampleur et son état cartilagineux : il n’y a d’entièrement
osseux qu’une paire de cornes ou d’appendices. M. Cuvier ( i. ) - dit l’hyoïde
des crocodiles un appareil des plus.simples. Je n’en puis convenir; et cela va résulter
de la description de plusieurs parties omises et que je vais faire connoître,
De l’emploi journalier de l’appareil, occupé continuellement à devenir un moyen
d’intersection de l’entrée du pharynx, il suit que la grande et large plaque dont est
formée la partie avancée de l’hyoïde reste en deçà de son développement possible
et se perpétue dans l’état cartilagineux ; elle est liée à la langue, dominée et entraînée
par l’action toute-puissante de celle-ci, laquelle, engagée entre les branches
maxillaires inférieures, n’en a pas moins le pouvoir de s’alonger ou d e . se raccourcir,
sur-tout à son fond, par conséquent de refouler ou de ramener l’hyoïde.
Dans cette activité continuelle , les points osseux à verser sur cet appareil ne
peuvent trouver où prendre position, où se rassembler et se souder : l’état primitif
subsiste donc. Il est de plus une autre raison pour que la large plaque reste cartilagineuse,
c’est son ampleur; car toute solidité croît en raison inverse de l’étendue
des surfaces, dans tout ce qui concerne le système osseux.
Ainsi maîtrisé dans son développement, l’hyoïde s’en tient à n’offrir qu une
( i ) Ossemens fossiles, tom. V , 2.c partie, page 91.
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vaste conque cartilagineuse, un long plateau, comparable, quant à sa forme, au
cuilleron d’une pelle de bois. Ses parties' élémentaires, qui ne révèlent leur
essence, et sur-tout leur individualité, que dans des os entièrement achevés, n’y
sont point apparentes, et tout le cuilleron peut être seulement présumé formé-
des glosso-hyaux, du basihyal et d e l ’urohyal; le bord.antérieur, ou sous-lingual,
est en demi-cercle, le postérieur coupé carrément : de chaque flanc descend une
corne hyoïdienne coudée à son milieu et terminée à son extrémité par quatre
muscles, dont le tirage entraîne l’hyoïde du côté de la poitrine ; les muscles
externes sont ronds, et les internes aplatis.. Cette corne représente-t-elle seulement
l’apohyal i Quoi qu’il en soit du point où commence cet os alongé, le
cuilleron est encore flanque d une bandelette solide, qui est plus résistante que
du cartilage, mais qui n’a point encore acquis la consistance osseuse.
C’est le moment d’expôser les intimes liaisons de l’hyoïde avec le larynx et les
hérisséaux. Le larynx des crocodiles est une répétition de celui des oiseaux, sauf
que ses pièces ont un peu chevauché les unes à l’égard des autres. M. Cuvier a
pensé que le cuilleron hyoïdien y tenoit lieu de thyroïde, quand il a dit (même
page deja citee ) que le larynx des crocodiles étoit seulement composé d’un cri-
coïde et des deux aryténoïdes. Tout ce qui se voit dans les oiseaux, cartilages
de glotte i de thyroïde, de cricoïde et d’aryténoïde, se trouve dans le crocodile;
mais ce qui occasionne une apparence trompeuse à cet égard, c’est que les muscles
thyro-hyoïdiens sont excessivement contractés et forment les chaînes d’union
du thyroïde avec le centre du cuilleron hyoïdien. Les cartilages de la glotte,
plus alonges et plus independans des autres pièces que chez les oiseaux, se
trouvent reportes sur le bord antérieur du thyroïde et emmenés par devant jusque
sur la langue par une longue membrane, laquelle devient une très-large épiglotte:
le cuilleron hyoïdien, agissant en dessous, la soulève; il la plisse ou l’étend. En
revanche, les pièces arytenoidales sont plus descendues et ne joignent que postérieurement
les arcs du thyroïde, alors que ces arcs atteignent et saisissent le
cricoïde. Gelui-ci, par le refoulement en arrière des aryténoïdes, est à son tour
refoulé dans la même direction, et alors rejeté si lo in , qu’il n’y a que son sommet
d engagé dans les arcs thyroïdiens, et qu’une longue queue va se prolonger en
arrière à quelque distance. Cet excédant du cricoïde est reçu dans les intervalles
des demi - anneaux, qui, au nombre de dix, commencent sous cette forme la
trachée-artère : celle-ci est donc cerclée en ce lieu, comme chez les mammifères,
tandis que dans le.reste elle est composée, ainsi que chez les oiseaux, d’anneaux
complets et entièrement soudés.
La glotte, dont les bords sont limités et rendus résistans par ses pièces cartilagineuses,
est chez les oiseaux dans une position centrale, eu égard au thyroïde
et successivement au larynx, de manière à être débordée, et par conséquent suffisamment
protégée ¡ chez les crocodiles, au contraire, elle est tout-à-fait excentrique,
reportée et rangée sur la tranche antérieure du thyroïde; mais cependant
elle ne souffre nullement de cette position, s’y trouvant non moins protégée à
son tour comme occupant le centre du cueilleron hyoïdien. Cette diversité de
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