Jardins &
mai fon
remarquables.
Haut de la
montagne.
§. 1348. Du petit port où l’on amarra notre bateau, nous montâmes
par des efcaliers taillés dans le roc, à une jolie retraite que s’eft fait
conftruire un riche négociant de Nervi , nommé M. Gnecco. Le bas de
la montagne, du‘côté du Nord, eft couvert d’arbres & d’arbu îles toujours
verds, demyrthes, de pin? maritimes, de chines verds; d’ar-
boufiers qui viennent là d’une grandeur & d’une beauté peu communes.
Plus haut, où le rocher plus aride & plus rapide refufoit de produire
de la verdure , M- Gnecco a fait pratiquer des plattes-bandes
en terraffes les unes fur les autres, les a garnies de terre, & il y a planté
des châtaigniers, des oliviers &des figuiers qui ont parfaitement réùfiî.
Au milieu de ces plantations eft une petite maifon fimple & commode,
creufée en partie dans le roc. Tout cela n’a pu s’exécuter qu’en fai-
fant fauter avec beaucoup de travail & de dépenfe la brèche dure &
tenace qui forme la bafe, de cette montagne- C’eft ce qu’on a exprimé
avec beaucoup, d’élégance & de précifion, par une infcription placée
à l’entrée d’une voûte taillée dans le roc, F E R R Q & A U R O , par
le fer & par l’or,
C e qui rend cette dépenfe plus extraordinaire, c’eft que cet endroit
n’eft point deftiné à être continuellement habité. M. Gnecco poffede à
Nervi un grand &beau palais, où il fait fa demeure habituelle; il ne
vient là que pour jouir de la folitude, de la beauté fauvage de cette
fituation & du plaifir de la pêche, qui eft très-abondante au pied de
ces rochers,
§. 1349- En continuant de grimper, nous montâmes, M .P ic t e t &
moi, jufques fur une fommité qui n’eft pas précifément le point le plus
eleve de cette montagne, mais qui 11e le cède pas de beaucoup à la
plus haute, où nous n’avions pas le tems d’aller. Comme notre projet
n’étoit point, d’efçalader des montagnes, nous avions lailTé nos baromètres
à Gênes. Mais nous jugeâmes, à l’eftime, que la fommité que
nous atteignîmes avoit 250 ou 300 toiles d’élévation au-deffus de la irier,
T EM P É R A T U R E D E L A M E R . . Chap. X V I . i 5 t
On a, de cette fommité, une vue d’une, étepdue & d’une beauté,,
extraordinaires. Au couchant, tout le magnifique golphe de Gênes4,
couronné de fes montagnes couvertes de verdure , & bordé d’une fuite
de campagnes &de villages, qui femblent ne former qu’une feule ville
de trois ou quatre lieues de longueur. En effet, Repco, Nervi, Quinto, 1
garniffent la côte prefque fans interruption jufques à Gênes.- Et fi la
ville eft cachée par les montagnes qui entourent le port, on voit
cependant le fanal & le quartier qui l’avoifine ; la Polcevera & toute
cette partie du golphe jufqu’au cap dette Mette. La rive du Levant
eft moins riche, mais très-étendue ; ¡car ôn la fuit des yeux jufqu’au
Monte Nero, qui,eft.au-delà de Livourne. Au Sud-Eft & au Midi, nous
avions, la mer couverte de vaiffeaux de toute,nation & de, toute gran-.
deur, que le mauvais tems des jours précéderrs avoit retenus? dans les
ports du voifinage , & qui, profitant tous de cette belle journée,
voguoient dans des direêtions différentes. Les isles de Gorgone -& de
Capraya, & les montagnes neigées- de la Corfe , fornxoient le, lointain,
de ce magnifique tableau-
En revanche, Te corps même de la montagne, fon pied au Levant,
& au Midi, & les montagnes qui lui font attenantes du côté du Nord,
I préfentoient l’afpeâ: le plus hideux. & le plus trifte., Par-tout cette brèche
noire r que j’ai décrite , profondément fillônnée par des ravins
fauvages & incultes T fans autre ligne d’habitation, que de loin en loin,
les tours deftinées à fignaler les corfaires. Toutes les cimes des> Apennins
que L’on découvre de ce côté-là- font, comme celles que je voyois
de Notre-Dame de la Garde,, fauvages & pelées, fans préfenter , comme
; les Alpes, des rocs efeatpés & majeffiueux. Ici non plus „ on- ne diftin-
gue aucune direction confiante, ni dans les dos des montagnes , ni
dans les vallées qui les féparent ;, & les pentes s’abaiffent vers la mer
, fans former nulle part des efcarpemens coniîdérables.
Les mêmes cailloux arrondis forment la bafe comme le fommet de?
L. montagne. mais vers le haut on n’en voit pas d’aufli gros. Le quartz-,