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mieux paflfer mes jours dans un vaHon retiré entre des rochers, des
bois & des cafcades, que d’arpenter toujours ces terrafTes rectili-
gnes; mais c’eft pourtant une idée vraiment belle & noble ; e’eft
une efpece de création, que de métamorphofer en fuperbes jardins u n
rocher qui etoit abfolument nud & itérile, & d’en faire fortir les plu*
belles fleurs & les meilleurs fruits de l’Europe, à la place des mou&
fes & des lichens qui rampoient à fa furface. Et certes, les voyageurs
qui admirent ces prodiges de l’art, & même ceux qui les critiquent,
doivent aimer mieux que le Comte Vitaliano Borromei ait eu, il
y a 12,0 ans,cettefuperbe fantaifie, que s’il avoit enfoui l’argent qu’il
y a confacré, ou qu’il l’eût employé à ce genre de luxe, dont il ne
refte aucune trace. D’ailleurs ce qui ôte tout regret fur cette dépenfe,
c’eft que cette même famille a été également généreufe, & même
prodigue, en établiflements de dévotion & de bienfaifance.
E n f in les'anciens, dont il eft permis de réclamer le goût dans ce-
qui tient aux arts, auroient ffirement admiré ces jardins. Ceux de
Sémiramis, qu’ils ont tant célébrés, étoient du même genre, & ce
qui nous refte des Grecs & des Romains, prouve qu’ils aimoient les
ouvrages réguliers, & qu’ils faifoient parade de l’art plutôt que de
le cacher, lous le prétexte d’imiter la nature.
J ’a v o u e donc que j’ai eu un fingulier plaifir.à me promener fo u s
ces berceaux d’orangers & de citronniers, qui, plantés en pleine terre
ont l’air naturel, & prefque la vigueur qu’on leur voit, dans les environs
de Naples & de Païenne. D ’ailleurs , il y a dans l’ifola Bella
un bois épais de lauriers d’une rare beauté, & des grottes en
rocaillés, d’une grandeur & d’une fraîcheur précieufe , dans la faifon
où l’on vient vifiter ces jardins. Enfin la plate-forme qui couronne
toutes les terraiïes, & d’où l’on voit tout l’edfemble de l’Isle.clu beau
lac,qui baigne fes bords, des montagnes qui renferment le baflîn de
ce lac, & d’où l’oeil s’élève par gradations jufquc-s aux cimes neigées
dés hautes Alpes, préfente un des plus'beaux points de vue que l’on
A U X I S LES BORROMÊ E S ; Chap. IX . f , 9
puiTe imaginer- Je ne dis rien du palais, des appartements, des tableaux;
fes objets n’entrent pas dans le plan de cet ouvrage.
§. I77Î- A. M a is ce q u i e n tro it d a n s ce p la n , c’é to it de d ire q u ’elle ’ Nature
e ft la n a tu re d u r o c h e r , fu r le q u e l re p o fe n t to u te s ces m erv e illes du rocher,
de l’a rt.
J ’a t o u e , que là, plus occupé de l’art que de la nature, j’avois oublié
fl’obferver ces rochers. Heureufement l’amitié de M. le Chanoine
G a l io n i de Corne, amateur diftingué des fciences, m’a fourni les
moyens de réparer cet oubli. 11 sPft adreffé à Mde. la Marquife Pozzo ;
ioeur du ComteBorromée, poffeffeur actuel de ces Isles, qui empreffé
à lavorifer ceux qui cultivent les fciences, a eu la bonté d’envoyer
fon ingénieur, prendre des échantillons & la-fituation des couches
de ces rochers. D’après ces échantillons, il m’a paru que l’ifola Bella
eft en entier compofée de roches primitives, la plupart micacées, avec
des grains, des filons & des rognons de quartz, & quelques autres
calcaires, grenues, mêlées d’un peu de mica & de quartz.
Q u a n t à leur fituation, les couches de cette isle approchent toutes
de l’horizontale. Celles qui s’en écartent le plus font fur le bord oriental,
& defcendent d’environ 30 degrés du côté du Nord. Les autres
font moins inclinées, & defcendent auili toutes au Nord, excepté
celles qui font au Midi de l’isle, qui defcendent à l’Oueft.
Ce fait eft très-remarquable ; il eft curieux de voir dans l’intérieur
du lac, des couches à-peu-pres horizontales, tandis qu’elles font verticales
& à fon entrée, & fur les rives oppofées de Lurino & de
Locarno. -
§. i7?f. B. U n e autre isle voifine d’Ifola Bella, & qui fe rappro- Ifo]
«he plus du goût des amateurs de la fnnple \nature, c’eft celle qui Madtt!
porte le nom d'Jfola Madré. Elle eft plus grande, il y a »oins