yo D E St. J E A N A
Après qu’on eft forti du village, la grande route paffe entre des
prairies où l’on voit auffi de grands rochers compofés de feldfpath
& de fchiftes cornés ou de hornblende verte ou noirâtre plus ou moins
bien cryftallifée : mais ces rochers, malgré leur grandeur, ne paroif-
fent point originaires de la place qu’ils occupent ; je crois qu’ils fe font
détachés & ont roulé de la montagne qui les domine ; de même que
de grands blocs d’une pierre micacée, mélangée de parties calcaires,
qui font épars dans ces mêmes prairies.
Gypfe §. 1226. A cinq minutes de ces blocs, le chemin eft coupé dans une
en couches c o jjjn e g y p f e , d o n t les c o u c h e s , les u n e s folides , les a u tre s feu il- a peu-pres 0 J 3 J
horîzorta- letées font bien diftinctes & à peu-près horizontales. Vis-a-vis de ces
gypfes, de l’autre côté de l’Arc, 011 voit de belles prairies inclinées,
qu’arrofe une jolie cafcade.
Roches g 1227. A une petite demi-lieue de là, on rencontre des ro.chés
micacées, calcaires micacées en couches folides, entremêlées de couches feuilletées.
Le Mont-Cenis, prefque tout compofé de rochers de ce genre,
nous invitera à les examiner de plus près. On retrouve ces mêmés
rochers & auffi des pierres calcaires fans mélange de mica, dans la
belle forêt que l’on traverfe avant d’arriver à Bramant, & qui porte
le nom de ce village. L’Arc a creufé fon lit à une grande profondeur
au travers de ces rochers.
Forêt §• 1228 . La forêt de Bramant eft prdqu’entierement compofée de
¿«Pins, cette efpece de p i « que L in n é a défigné fous le nom de Pimis Sylvef-
tris. Oh le nomme D aille en Savoye & dans quelques provinces de
France; on le nomme auffi Pin de Geneve ou Pin d’tcojfe, ou Fin
faitvagp. Cet arbre eft devenu très-intéreffant depuis que l’on croit
qu’il eft le même que le Pin de l’Ir grie, dont la Ruffie fait un commerce
fi confidérable. Lorfque fur les collines des pays tempérés on le
voit mériter à peine le nom d’arbre, tant fa tige eft baffe, rabougrie,
tortueufe, on a peine à croire que ce foit le même qui dans les forêts
l a n s - l e - b o v r g . a . y. yi
du N o r d s ’élève à une hauteur fi majeftueufe, & dont les tiges font
fi droites, fi fortes, fi durables, que ce font les feules.au moins en
France, qu’il foit permis d’employer dans les matures des vaiffeaux de
guerre/Cependant tous les Naturaliftes font d’accord fur leur identité,
& pinfpeition de la forêt de Bramant m’a réconcilié avec cette idée dont
j’étois d’abord fort éloigné. En effet, ceux de cette forêt, fans avoir
la taille qu’il faudroit pour des mats de vaiffeaux, font cependant très-
droits , & incomparablement plus élevés que ceux que l’on obferye
communément dans nos plaines. Il paroit que dans nos climats, cet
arbre ne pouffe une tige droite & fimple, qu’autant qu’il eft expofé
au Nord & entouré d’autres arbres. Tous ceux qui croiffent au Midi
& fur les bords des forêts, même des forêts tournées au Nord, de celle
même de Bramant, par exemple, font petits & tortus : & ce qu’il y a
de plus remarquable encore, c’eft que dans le centre même de cette
forêt, les têtes, de ces arbres , qui atteignent le grand air en s’élevant au-
deffus des autres, pouffent d’abord de grandes branches latérales & ceffent
de monter en ligne droite ; ce n’eft que dans les pays où le foleil n’a pour
ainfi dire , aucune force, que ces arbres peuvent s’élever en plein air
fans pouffer des branches qui limitent leur accroiffement ; auffi le célébré
L in n é les a-t-il trouvés beaucoup plus grands en Lapponie qu’en
Suede ; & il gémit avec raifon fur la quantité de ces arbres, d’un fi
grand prix pour la navigation, qui dans les vaftes forêts de la Laponie
périffent fur pied fans fervir à aucun ufage. Flora Lapponica ,
page 274,
Si donc on vouloit rendre cet arbre utile dans des climats tempérés,
il faudroit le planter, ou le femer fur les revers de quelques hautes
montagnes, en le faifant croître parmi d’autres arbres, qui s’éleyaffent
toujours plus haut que lu i, & qui le tinffent conftamment à l’ombre;
mais il eft douteux qu’il profpérât dans une telle fituation ; cependant
ce ferait un objet d’une fi grande importance pour la marine , que cet
arbre met dans une dépendance prefqu’abfolue des pays du Nord ,
qu’on devrait en faire l’expérience, même avec la plus foible efpé-
rance des fuccès. z