n i S U P E R G U E . Chap. X I .
précédent, que de ce côté la chaîne des Alpes ne s'élève point pur
gradations infenfibles ; on a fous fes pieds la plaine du Piémont, &
on voit la chaîne des Alpes terminer cette plaine & s’élever au-defliis
d’elle comme une muraille au-deffus d’un jardin ; au lieu que des bords
du lac de Geneve, l’oeil arrive par degrés & par échelons depuis les
plus petites collines jufqu’à la cime du Mont-Blanc.
E n revanche, cette plaine du Piémont, arrofée par le Pô & par les
deux Doires, préfente le fpeétacle le plus beau & le plus riche : on
voit diftinélement toute la ville de Turin ; on reconnoit les 'maifons
royales de Stupini, de la Venerie, celle de Rivoli & fa belle avenue ;
■outre une innombrable quantité de petites villes, de bourgs , & de
châteaux parfemés dans le pays du monde le plus fertile & le mieux
cultivé.
La montagne même fur laquelle eft bâtie l’églife de Supergue, fe
montre du haut de cette églife fous un afpect également intérelfant &
varié ; cette montagne fait partiè d’une étendue conüdérable de petites
montagnes, toutes liées entr’elles, qui prifes collectivement, portent
le nom de Collines du Mont-Ferrat ; mais la partie la plus voifine de
la capitale fe nomme la Colline de Turin. Cette chaîne ' commence à
Mont-Callîer au Midi, & s’étend jufqu’à Chivazzo au Nord-Eft ; un
autre aiïemblage de collines femblables, qui fe nomme les collines de
l'Ajlefan, marche d’abord à peu-pr,ès parallèlement à celles du Mont-
Ferrat, puis fe réunit avec elles du côté du Nord, & renferme, ainii
pne belle plaine en fer à cheval ouyerte du côté du Sud-
O n voit clairement du haut de Supergue , que les vallons innombrables
quilillonnent ces collines dans toutes les direélions imaginables,
font l’ouvrage des eaux pluviales ; car ces vallons font tous en pente,
étroits vers le haut, & s’évafant de plus en plus à mefure qu’ils approchent
de la plaine. Les hauteurs font couvertes de bois taillis & de
brouffailles ; les pentes, celles fur-tout qui regardent le Midi font cultivées
tivées & parfemées de villages & de maifons ifolées. M. P ic te t fit là
quelques expériences barométriques, dont il donnera ailleurs les ré-
fultats. M. de Luc a rendu compte des fiennes dans fes Recherches,
T. n , §■ 6 j9- II en réfulte que le fol de l’églife eft élevé de 222 toifes
au-delfus de celui de la ville de Turin-
§. 1206. O n fait que les tombeaux des Rois de Sardaigne, font Mauf»-
dans cette églife, ou plutôt dans des caveaux fitués au-deifous du Ë^agj
fol de Téglife : ces tombeaux n’étoient pas achevés lorfque j’y allai en Sardaigne
1780 & je vis avec beaucoup de plaifir dans mon dernier voyage les
fuperbes maufolées nouvellement exécutés par les freres Collini de
Turin. Quoique je ne fois point connoifteur, j’ai pourtant acquis en
Italie, à force de voir les grands modèles , au moins le goût & le fen-
timent du beau. Je fus furpris de la beauté de ces ouvrages ; je fus étonné
d’y trouver cette noble fimplicité qui caraétérife fi éminemment les
fculptures antiques, & dont les modernes femblent s’écarter tous les
jours davantage. Le marbre ftatuaire employé dans ces monumens eft
du plus beau blanc & de la plus belle qualité. Les carrières de ce
marbre ont été découvertes, il n’y a pas long-tems , à Ponté dans le
Canavois, à cinq lieues de Turin ; c’eft un marbre grenu comme celui
de Carran, mais fon grain eft un peu moins fin.
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