fondue. La barre de fer à l’extrémité de laquelle cette pointe étoit
foudée , entroit à vis dans la fommité d’urie croix de fer qui couron-
noit le clocher de l’églife. Cette pointe attira un torrent de fluide
éleârique , ce fluide defcendit par la croix, & là, au lieu de fuivre
le fil conduâeur qui pafloit par le déhors de l’églife, & d’aller ainfi
fe difperfer dans la terre, où aboutitToit ce conduéteur , il palfa par
les barres de fer qui foutiennent le clocher , & qui lient entr’eux les
murs du portique de l’églife ; mais comme ces barres ne defcendent
pas jufqu’à terre, la matière de la foudre fut obligée de continuer fa
route au travers de la fubiiance même des murs ; & ces murs n’étant
que des conduéteurs imparfaits, furent percés à jour dans une place,
& furent déchirés ou écorchés dans plufieurs autres. Les dalles de
pierre qui forment le pavé de l’églife furent foulevées en plufieurs endroits
; ce qui fait croire que l’explofion venoit de l’intérieur de la
terre, & que ce tonnerre étoit du genre de ceux qu’on nomme ail en-
dans.
C e qu’il y eut d’étonnant & de finguliérement heureux, c’eft que
quoique le portique & l’églife fuifent remplis de monde ( un jour de
fête, celui de la St. Barthelemi l au moment du coup, il n’y eut per-
fonne de tué ni même de blelfé dangereufement. Tous ceux qui étaient
dans le portique forent jetes a la renverfe ; une femme eut la manche de
fa robe brûlée par le tonnerre ; un homme eut fon foulier découfu
auprès de la femelle: on prétend même que la femelle du bas fut, linon
confumee, du moins tellement dechiree & divifée, que l’on n’en retrouva
aucune trace. Ces deux perfonnes demeurèrent étendues & évanouies
fur la place ; mais elles reprirent leurs fens affez vite, & n’en reffen-
tirent aucune incommodité durable.
Il y eut encore ceci de remarquable dans la route que fuivit la foudre
, c’eft que ce fut exaélement la même que celle qu’elle avoit fuivie
toutes les fois qu’elle avoit frappé cette églife avant l’éreétion du conduâeur,
Ce fait paroit indiquer clairement qu’il y a fous cette partie
¿e l’églife quelque maife de corps déférens , qui communique avec la
piaffe totale du globe. Peut-être eft-ce une fource cachée dans la terre,
& ce qui appuyé cette conjeélure, c’eft que l’on remarque, au bas de
la muraille par laquelle paffa la foudre, une humidité qui étoit très-
fenfiblé le jour même où nous faifions cette obfervation. Au contraire,
le terrein dans lequel aboutiffoit le conduéleur , n’eft qu’un amas de
rocaïlles que nous trouvâmes parfaitement féches ; la montagne a de ce
côté là une pente très-rapide * & ce même côté eft expofé au midi ;
on comprend donc que , fous un climat auffi chaud, toute cette partie
de la montagne doit être à la fin de l’été d’une extrême aridité ; en-
forte que le conduéteur qui y aboutiiïbit, devoit fe trouver comme
ifolé, & qu’ainii la matière éleârique devoit trouver beaucoup plus
de facilité à palier au travers de la muraille humide.
L e Père A g e n i , chargé de préferver cette églife d’une maniéré plus
efficace, a fait ériger au mois d’aoùt i?8o , un nouveau conduâeur,
& l'a fait aboutir dans une citerne qui eft conftamment pleine d’eau.
Il a lié ce nouveau conduâeur, avec tous les fers de l’églife, & même
avec l’ancien conduâeur qu’il n’a point voulu détruire; enfin pour ne
négliger aucune des précautions que la prudence pouvoit fuggérer,
il a fait defcendre un rameau du nouveau conduâeur par la route que
là foudre avoit toujours affeâé de fuivre; c’eft-à-dire, le long du mur
du portique, & il l’a fait pénétrer très-avant dans la terre, immédiatement
au-deffous de ce mur. Si donc la matière du tonnerre étoit plus
fortement attirée par la maffe conduârice, que nous fuppofons placée
au-deffus de ce mur , que par l’eau de la citerne, cette matière pourrait
fuivre paifiblement cette route fans occaiionner aucun dommage, f i)
( , i ) M. le Chevalier LANBRiANim’a
fait l’honneur d’inférer ces' obfervations'
dans un ouvrage qu’il w publié à Milan ,
par ordre du Gouvernement, fur l’utilité
des para-tonnerre. Dell utilità dei tonduc-
tori elettrici Milan 1784. Mais comme
cet ouvrage n’a point été traduit en fran-
cois , j ’ai cru devoir configner ici un fait
fi intérelfant, & qui démontre fi bien la
riéceflité de faire toujours aboutir 'les conduéteurs
, ou dans l’eau , ou dans une teste
cpnftamment humide.