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beaucoup en fortant de la yallée, elle orne fingulierement le tableau.
Un payfan qui garde les clefs de l’églife, eft le feul habitant de ces
valtes édifices, qui logeoient autrefois une riche & nombreufe Communauté.
Il,nous fit voir une églife qui eft allez grande -pour le lieu où
elle eft bâtie. Il nous conduiût enfuite dans une galerie (demi-circulaire
, foutenue par des colonnes & ouverte au-deflus du précipice que
forme l’efcarpement du rocher. Connue elle eft extrêmement étroite ,
fans aucune efpece de barrière, il faut avoir la tête bonne pour s’y
promener 1 mais la beauté de la vue dédommage du danger.
N otre guide nous fe enfuite defcendre par un grand "efcalier couvert
d’une voûte extrêmement exhauffée. Les côtés de cet efcalier font
garnis de tombeaux en maçonnerie, les uns fermes, les autres ouverts.
Sur une elpece d’eutablement élevé à gauche, le long du mur,
on voyoit une file de corps morts, debout, ranges en haie, les uns
à côtés dés autres, & dans différentes attitudes. Ce font des cadavres
qui fe font defféchés fans fe corrompre,, & fe font convertis en des
efpeces de momies.
Je ne pus m’approcher affez de ceux-là , pour les examiner en détail
; mais j’en vis de femblables dans des tombeaux qui étoient ouverts
, & j’en retirai même un bras qui étoit defféché, & que j’obfer-
vai avec foin ; je le trouvai extrêmement léger, fans aucune odeur ; la
peau avoit pris là confiftance & la flexibilité d un carton fouple , &
dans les endroits où cette peau étoit déchirée, 011 voyoit au-deffous
les mufcles & les tendons defféchés. Le garde-églife nous affura que
ces c o rp sq u e nous voyons fur cet entablement, y etoient depuis
un tems immémorial ; que les vieillards les plus avances en âge fe fôu-
venoient de les avoir toujours vus, & ils croyoient qu’ils avoient été
placés là pour être l’objet de la vénération des fidelles ; mais il ne vint
point à bout de me perfuader. Les corps ne font point places dans des
niches ; Ils font là , comme au - hafard, fens ordre, fens ornemens,
dans
dans des attitudes qui n’ont rien qui indique^ ni qui infpire la dévo-
I ! tion ' la quantité prodigieui'e d’offemens, que l’on voit entaffés tout
[autour de cet efcalier, femble prouver que quand tous les tombeaux
furent pleins , lorfqu’on eut' de nouveaux corps à enfevelir, 011 en
I Itiroit ceux qui étoient defféchés'pour faire place aux nouveaux; &
I Issl lambeaux de leurs draps mortuaires qui pendent encore autour
I d’eux ; les vilaines grimaces que font quelques - uns d’entr’eux ; les
I mauvaifes cordes par lefqu’elles ils font retenus , prouvent bien qu’ils
I ! n’ont point été placés là pour être des objets de vénération. Cepen-
I dant tous ces tombeaux , ces amas d’offemens , ces hideufes mo-
I Imies, dans ce vafte efcalier, dont les voûtes retentiffoient au bruit
I le plus léger; tout cela au milieu de ces ruines, fur la cime de ce
I |rocher entouré de nuages & battu par les vents, portoit dansl’ame
I ¡une impreffion d’étonnement & de terreur bien propre à réveiller des
I ¡idées religieufes.
Q u a n t à la confervation de ces cadavres, il eft naturel de croire, I que fur une cime ifolée, dans un emplacement très-fec , très-airé , &
I pourtant à l’abri de la pluie, les corps fe defféchent fans fe corrom-
I 'pre, au du moins iàns que la corruption puiffe détruire les tendons &
I lia peau. JVL E x c h a q u e t a fait fur ce fujet des expériences curieufes ;
I il a expofé des morceaux de viande fur des rochers éleves, & il les a
I vus fe deffécher fans contracter de mauvaife odeur ; tandis que dans la
I plaine, des morceaux femblables, expofes de même a l’air libre, fe
■ réfolvoient par la putréfadion.
§. 1293. E n defcendant de St. Michel, l’efpérance de voir quelque
I chofe de nouveau , nous engagés à prendre une route différente de celle
I [ que nous avions fuivie en montant : nous laillames a gauche le petit ha-
! meau de St. Pierre, qui eft à l’Eft, au-deffous des ruines du monattere,
| & nous fuivîmes pendant quelque tems un beau chemin, très-bien entre*
| tenu, que prennent ceux qui vont à cheval ou en porteurs, faire leurs
! dévotions dans l’églife de St. Michel; nous defcendîmes enfuite la mon-
Defcente
de St. Michel
par
une .autre
route.