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que j ’ai faite pluiieurs fo is , ne pouvoit donc point m’occuper fous
ce rapport. Je donnai toute mon attention à ce brouillard ou à cette
vapeur féche & bleuâtre, qui fut fi remarquable dans le cours de cet
été, Ce jour-là le foleil, à fon lever, paroiffoit entièrement dépouillé
de fes rayons : on le voyoit comme un globe d’un , rouge obfcut*,
diftindement terminé, & que les yeux pouvoient fixer fans aucune
fatigue. A mefure qu’il s’élevoit, la partie fupérieure de fon difque
devint d’un rouge plus brillant; mais au bout de 20minutes, il parut
également brillant dans toute fa furfâce, & alors if commença à fatiguer
les yéux & à produire des ombres fenfibles. Entre G & 7 heures
la vapeur parut diminuer : des environs de Rolle, où j’étois .alors
on diftinguoit très-bien les cimes du Jura, qui en font éloignées d’environ
trois lieues en ligne droite, mais enfuite elle redevint plus épaiiTe.
Vers les m heures, je 11e pouvois plus voir le Jura, quoique je n’en
fufie gueres plus éloigné ; j’appercevois feulement les fommités de
quelques nuages élevés de 10 à 12 degrés au-deffus dç cette montagne
, & vers le midi la vapeur étoit encore plus denfe. La foirée fut
orageufe , on entendoit le tonnerre gronder de tous les côtés, & vers
les 6 heures, lorfque je paifai à Lutry, on me dit qu’il venoit d’y
tomber une très-greffe aVerfe. Cependant cette pluie n’avoit point
abattu la vapeur; fa denfité étoit toujours la même. Je ne pus pas voir
coucher le foleil, parce que les montagnes cachoient l’horizon ; mais
même à plufieurs degrés au-deffus de l’orizon, il paroiffoit, comme le
matin, un boulet rouge fans aucun rayon.
Le vent avoit été tout le jour au Nord-Eft; & à Laufanne, au moment
le plus chaud de la journée, le thermomètre étoit à 22, y , &
mon hygromètre à 74 , f ; ce qui indique une température & un
degré d’humidité très - naturels dans ce mois, à la hauteur de Laufanne.
Il eft donc bien- certain que cette vapeur ne tenoit ni au froid
ni à l’humidité de l’air.
J e continuerai de donner dans ce voyage l’état de la vâpeUf
lorfqu’elle
■AU L A C Ü E T H U N, Chap. I. 441
lorfqu’elle préfentera quelque chofe d’intéreflant, car on ne fauroit
raflembler trop de faits fur un phénomène auflï remarquable. Je crois
cependant devoir obferver, que fi ce brouillard fec étonna en 178;,
ce ne dut-étre que par fa denfité ; car il n’eit point rare de le voir à
Sfes degrés de denfité moins confidérables. Je l’avois fouvent obfervé,
lorfque je publiai en 1783, mes eflais fur l’hygométrie ; j’en ai parlé
expreffément au §. j y y de cet ouvrage ; je l’ai également obfervé depuis
lors. Je puis même affiner que dans les environs de Geneve, il a été
très-fenfible en mai & juin de l’année derniere 1784.
Je Couchai à Vevey, où je trouvai le bon St. Jean de Chamouni,
auquel j’aYois donné rendez-vous ; il m’amenoit trois mulets, un pour-
moi , un pour mon domeftique & le troifieme pour le bagage & pour
les pierres que je comptois de ramaflèr en chemin.
§. i «56. En allant de Vevey à Spietz , au bord du lac de Thun , Montj.
par le Geffenay & le Simmenthal, on entre tout de fuite dans les gne aumontagnes.
Un chemin étroit, rapide & impraticable aux voitures,
paflfe d’abord fur des débris de ces montagnes, enfuite au-deflùs du
village de Cherlé, à une lieue de Vevey, on voit paroitre au jour les
bancs de la pierre calcaire dont ces montagnes font compofees. Cette
pierre eft compaéte, grife ; fes couches font d’epaiffeurs inégalés, depuis
le feuilleté le plus fin jufqu’à des bancs compaétes d’un ou deux pieds
d’épaiffeur. On en voit aufli qui font divifés naturellement en fragments
anguleux, par des fiffùres perpendiculaires aux plans des couches.
Ces couches montent vers le Nord - Oueft ; plufieurs font a peu-près
verticales : ces rochers fe trouvent dans des bois de fapins &de hêtres.
§. 165-7. Du village de Cherlé on a une très-belle vue , du fond de Etat de
notre lac entre Villeneuve & le Boveret Je vis delà que la vapeur la vapeur,
étoit beaucoup moins denfe que la veille, & ce n’etoit pas feulement,
parce que j’étois plus élevé , puifque je découvrais les plaines à des
diftances, d’où la veille, je ne pouvois pas appercevoir les montagnes.
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