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appartiennent au Vallais : les deux autres font fituées du côté de'I’Italie;
je dis du coté de tItalie, parce que ce glacier fert de limite entre
le Vallais & les Etats du Roi de Sardaigne. Il fait partie dé la montagne
marquée fur les cartes anciennes, fous le nom d'Albrmm qui
fépare les Alpes Grecques au Nord , des Alpes Lépontines au Midi.
L o r s q u ’o n -elt entré fur ce glacier, fi l’on fe retourne du côté du
Nord, on voit fous fes pieds le baflîn couvert des pâturages que
l’on a traverfé; plus loin, l’étroite & tortueufe vallée par laquelle on
eft monté ; & l’horizon eft terminé par les cimes des. Alpes, qui fépa-
rent le Vallais du canton de Berne. Ces cimes, découpées & couvertes
de neige, reflfemblent aux vagues d’une mer agitée, & cette ref-
femblance devient toujours plus frappante à mefure que l’on avance
dans le glacier ; alors la partie du plateau, couverte de neige, que
l’on a traverfée, fetnble être un port, où les eaux font tranquilles,
parce qu’elles font à l’abri des deux montagnes qui flanquent ion
entrée ; tandis que les vents exercent leurs fureurs fur la haute mer,
dont les Alpes du Vallais repréfentent les vagues. Mais bientôt on
perd ces objets dé vue; au bout d’un quart - d’heure de marche, le
glacier prend une pente rapide du côté de l’Italie; là, les glaces fe
découvrent, & dans une concavifé, entre le glacier & la montagne,
on voit un lac, dont les eaux font teintes d’un beau yerd d’éme-
raude par la glace viy.è qui en forme Je fond.
LX, on quitte le glacier, & on gagne la montagne de la gauche pour
paflfer fur un fentier étroit, au bord d’un affreux précipice; cependant
çomme le terrein eft ferme, on ne rifque rien,, fi l’on met pied à terre ;
mais pour les mulets le pas eft dangereux; on me fit voir, en 1777, le
corps d’un de ces animaux, qui s’y étoit précipité peu de jours auparavant.
Le danger étoit bien plus grand, en 1783, où la neige, fur
cette pente, n’étoit point fondue, & où le fentier étpit tracé fur une
.corniche de neige immédiatement au-deflus du précipice. Au refte
pet endroit eft l’unique de ce palfage, où il y ait une efpece de rifque-
§. 1738.
D U . G R I È S , Chap. V 1 i l . 497
§. 1738. P ar ce fentier-rapide & tortueux, on defeend dans un. DeCcjnte-
petit vallon défert, où font des pâturages couverts çà & là des débris du
des montagnes entraînés par les torrents. Dans cette defeente que
l’on fait en partie fur le roc & en partie fur des débris, on ne voit
plus de rochers granitiques, mais des ardoifes ou fchiftes argilleux
avec des noeuds de quartz, de fpath calcaire ,’ & d’autres mélanges
peu diftinéls. Vers le bas de la defeente, le rocher, coupé par un
ruilfeau , préfente des couches d’un fchifte micacé , rayé comme une
étoffe. Les plans de toutes ces couches courent à-peu-près, comme
dé l’autre côté, §. 1731 ; ils furplombent vers le dehors de la montagne,
qui eft ici au Sud-Eft. Nous mîmes une demi-heure à defeen-
dre du glacier dans la petite plaine qui eft au-deffous, & de ÏM
toifes plus bas que le haut du paffage; là nous laiffàmes nos mulets
fatigués ,fe repofer & brouter l’herbe, rare, mais favoureufe qui croit
dans cette plaine. Nous fîmes nous-mêmes une petite halte au bord
de la Tofa ou Toccia, dont le glacier de Griès forme la fource, &
qui, par le Val-Formazza & le Val-Antigorio, que nous allons parcourir,
va fe jeter dans le lac Majeur au-deffous de Mergozzo. Je
recueillis dans cette plaine quelques-unes des plantes Alpines, qui
croiflent] fur le fommet du Griès, & de plus l’Antirrbinum Alpimim
; Achillea air ata ; Silene acaulis ; Cerajlium Alpinum, &c. &c.
En fortant de cette plaine, on traverfe quelques roches de fchifte
micacé quartzeux, puis quelques couches de gneifs grenatiques fem-
blables à ceux de l’autre face de la montagne, §. 1732, puis de*
couches calcaires en appui contre le Nord-Oueft, ou contre la montagne
primitive du Griès.
§. 1739. A une bonne demi-lieue de la petite plaine, on defeend Belle vé.
dans une fécondé plaine pair une pente affez rapide, mais couverteSetatl0IU
d’un excellent terrein, dans lequel croiflent une quantité de fleurs
d’une beauté & d’une vigueur furprenantes, telles qu'Alchimilla vul-
garis, Polygonum biftorta 3 Rumex alpinus ; Cacalia alpina ; Géranium
fylvaticum ; Trollius Europoeus ; Bifcutella didyma ; Senecio àlpi-
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