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lument l’unique moyen de rappeller fur ces montagnes la verdure {
les bois & tous les biens qui en découlent.
Vapeur §» 1493* A v a n t de quitter cette cime , je décrirai un phénomène
finguliere. mgtéorolo gique qui m’étonna beaucoup, quoique peut-être n’eût-il
pas été remarqué par un phyficien moins attentif à tout ce qui tient
à l’état de l’air & des vapeurs. On fait que les vapeurs font ordinairement
plus denfes à l’horizon, & que le ciel paroit d’autant plus
beau & plus clair qu’on l’obferve plus près du zénith. Ici, au con-
■ traire,je voyois la furface de la mer parfaitement nette, même à la
plus grande diftance, & au travers d’un air pur & fans vapeurs ; mais
ii de l’horizon je relevois graduellement les yeux, je voyois la vapeur
d’autant plus denfe, que je la çonlidérois plus près du zénith ; c’étoit
çomnie un voile d’un gris foncé, qui aurait été fufpendu à la voûte
du ciel-, & qui ferait allé en s’éclairçiffant par gradation jufques à
la hauteur de mon oeil, où il auroit fini ; cependant il n’y avoit au
ciel aucun nuage, & le foleil que je voyois à midi du côté de la mer,
brilloit du plus grand éclat, Ce phénomène n’étoit vifible qu’au-deffus
de la mer; par an-deflus des terres l’air paroifibit pur, clair, & à l’horizon,
& dans des régions plus élevées. J’ayois le baromettre à 23
pouces 6 lignes | , le thermomètre à 1 1 , mon hygromètre à 70 , &
‘mon éledrometre à 2,4. IJ fouffloit un petit vent dp mer. C’eft la
première & feule fois que j’aie vu ce phénomène; je ne fais fi c’eft>
pne illufion optique , ou s’il exiftoit réellement une vapeur qui demeurait
fijfpendue au-deflus de la mer, tandis que la chaleur des terres
la faifoit difloudre dan,s l’air fitué au - deffiis d’elles. Mais comment
aufli cette vapeur ne terniifoit-elle pas l’éclat du folei} que je, voyois
au-deifus de la mer? C’eft aux obfgrvatpurs qui habitent les bords de
la mer, & qui montent quelquefois fur des montagnes éleyées au-
déffus de fes bords, à éclaircir ces dputes & à expliquer le phénomène,
Defcente
au Bropû §. 1494. A près avoir pâiTé u ne heure avec bien de l ’intérêt fur cette
fant.
cftrte, nous longeâmes la montagne, en defcendant obliquemeut du côte
du Couchant. Nous traverfâmes la continuation des couches de grès que
nous avions rencontrées en montant, & nous vînmes dans 1 heure ^ a la
maifon la plus orientale du village de Brouflant. Nous mourions de
faim & de foif; mon guide alfuroit que nous ne trouverions rien au
village, & que notre unique reflburce étoit de tenter, fi dans cette
niaifon, qui avoit l’air d’une bonne ferme, on voudrait, ou par intérêt,
ou par humanité, nous donner quelques rafraîchiffements. Nous
heurtâmes; une dame, jeune & jolie fe mit à la fenêtre, & répondit
à notre humble requête, qu’elle nous donnerait volontiers ce
qu’elle avoit chez elle, des oeufs, du pain, du vin, fi nous lui
donnions notre parole d’honneur de ne pas mettre le pied dans
fa maifon, & de manger à l’ombre d’un meurier qui en étoit proche
ce qu’elle nous enverrait par fa fervante. Nous donnâmes notre,
parole , elle tint la fienne, elle vint même fur le feuil de fa porte
nous entretenir avec beaucoup de vivacité & de gaieté , pendant que
nous buvions à fe fanté le vin qu’elle nous avoit envoyé. Nous nous
féparâmes avec toutes les apparences d’une fatisfadion réciproque ;
mais fans qu’il eût été queftion d’enfreindre la condition qu’elle nous
avoit impofée-
En général, les Provençaux que j ai eu occaiïon de voir' dans la
campagne, un- peu loin des villes & des grandes routes ,- mont parus
fe défier beaucoup des étrangers dans le premier moment; mais
enfuite , lorfqu’ils ont reconnu qu’ils n’avoient rien à en craindre, ils
fe montrent obligeants & officieux ; je n’ai jamais eu qu’à m’en louer.
M. S u l z e r leur rend le même témoignage, il dit ( p. 172) qu’il a
trouvé le payfan Provençal incomparablement plus doux & plus honnête
que, celui du Brandebourg. Il eft vrai qû’il faut lavoir le prendre;
mais au refte,la maniéré qui réuffit avec un payfan qui ne dépend
point de: vous, & à qui; vous avez un fer vice à demander, eft à-peu-
près. k mêmè, par-tout. Il faut l’aborder avec un air d’égalité & de