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fuperbe tableau. Je n’ai jamais vu de plus beaux rochers & diftribués
en plus grandes malTes ; ic i, blancs ; là, noircis par les lichens ; là
peints de ces belles couleurs variées, que nous admirions au.Grimfel,
& entremêlés d’arbes, dont les uns couronnent le faîte de la montagne
, & d’autres font inégalement jetés, fur les corniches qui en fépa-
rentjes couches. Vers le bas de. la montagne, l’oeil fe repofe fur de
beaux vergers, dans des prairies dont le terrein eft inégal & varié,
&fur de magnifiques châtaigniers, dont les branches étendues ombragent
les rochers contre lefquels ils croiffent. En général , ces granits
en couches horizontales rendent ce pays charmant;, car , quoiqu’il
y ait , comme je l’ai dit, des couches qui-forment dus faillies. cepen-
• dant elles font pour l’ordinaire arrangées en gradins,, ou en grandes
affifes pofées en reculement les unes derrière les autres, & les
bords dé ces gradins font couverts de là plus belle verdure , & d’arbres
diftribués de la'maniéré la plus pittorefque. On voit même des
montagnes très-élevées , qui ont la forme de pain de fucre, & qui
font entourées & couronnées jufqu’à leur fommet,, de guirlandes
d arbres, affis fur les intervalles des couches, & qui forment l’effet du.
monde le plus fingulier.
Ufagecîe §• 1759- On voit auffi avec plaifir lé parti que ces induftrieux.
ees^gramts montagnards tirent de ces granits veinés. Ils chaffent à coups de marteau,
entre leurs feuillets, des. coins de fer minces rapprochés les
uns des autres; &. ils débitent ainfi.les blocs de cesgranitsen.feuillets.
qui n’ont qu’un poucê au plus, d’épaiffeur , & qui fervent à couvrir les
toits. Là, ils leur donnent un peu plus d’épaiffeur., & s’en fervent pour
des feuils & des chambranles de porte, des marches d’eicaliers, des
poêles, des-tables , &c. Pour déterminer la longueur & la largeur des.
pièces, un trait gravé au cifeau, & quelques trous percés, fuivant la
diredion de ce- trait,. font rompre la pierre avec une préciiion firigu-
liere’ On admire la folidité de cette pierre, lorfqu’on voitffès elpeces
de planches qui en font faites, & qui ont 8 à 10 pieds de hauteur ,.
jgofées debout, foutenant des poids, confidérabjes. On en lait auffi des
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colonnes pour les Eglifes, & je ne doute pas que l’on ne pût en
tailler des obélifques auffi grands & auffi folides que ceux que les
Romains faifoient venir d’Egypte.
§. 1760. A p r è s avoir paffé St. Roch , je commençai à fentir la Premier«
chaleur du foleil de l’Italie, & à voir voltiger les beaux papillons des VIgnes’
montagnes tempérées, l’Apollon , l’Oranger, le grand tabac d’Eipagne.
Enfin à ¡de lieue de St. Roch, au village de Pié de Late, commencent
les vignes en forme de treilles à-peu-près horizontales, fous lefqueÎles
on peut encore recueillir du feigle.
C’est auffi là que fe termine cette chaîne dé montagnes de granits Fin dès
en couches à-peu-près-horizontales. En fortant de Pié de Late, on a RgJcahn^sgre,
à fa droite une roche micacée, & on trouve enfuite dans cette roche natiques.
de gros grenats rougeâtres qui tendent à la forme dodécahedre, mais
qui ne font ni tranfparents ni réguliers. Lé chemin qui traverfe la
paroiffe de St.. Michel,. paffe fur un de ces rocs micacés tout rempli,
de grenats de ce genre , Taillants hors du rocher comme les clous de
la bande d’une roue de charrette, & ils femblent avoir été placés là.
pour empêcher les chevaux de gliflfer. Je m’arrêtai dans ce village
pour me rafraîchir, & j’obfervai un de ces rochers grenatiques, fur
lequel étoit bâtie la maifonmême dans laquelle j’étois. Je trouvai les
couches de ce rocher inclinées de 26 degrés , montant pu bud-Eft. On
me donna là du pain fi dur que le couteau ne pouvoit point l’entamer.
La maîtreffe dé la maifon, me dit que ces pains là ne fe cou-
poient pas, mais qu’on les rompoit; en même tems, elle prit à deux
mains un de ces pains, en frappa de toutes fes forces l’angle d’une
table de pierre & le' rompit en deux. L’intérieur étoit auffi dur que
l’extérieur, & il me fut impoffible de l’attaquer avec les dents. On
affura cependant qu’il n’etoit point trop fec, quil n y avoit que G
mois qu’il étoit cuit , & qu’il deyoit fe garder encore une fois autant..
Us en font ainfi pour un an & plus ; on commence par le cuire bien
à. fond, puis on le fait fécher. fur des clayes dans. des greniers