Ce lac a ceci de remarquable, qu’il n’eft tr'averfé par aucune riviere.,
ni même par aucun ruiffeau un peu couiîdérable La Toccia n’a aucune
communication direfte avec lui, elle paffe au Midi de la vallée, & va
fe jeter dans le lac Majeur, toujours féparée du lac de Mergozzo par
des terreins élevés, & même par des montagnes.
Monta- §■ i " 73- L ’u n e de ces montagnes fituées entre le lac de Mergozzo
grani/en & la Toccia’ fe nomine MoiOt ! ou'fa.no. Elle eft compofée d’un beau
maffe. granit en maffe prefque blanc. De l’aut,re côté de là Toccia, au Sud-
Eft, on voit une autre montagne qui fe nomme Cafiello di Fariolo
ou Feraolo, du nom d’un village fitué à Ton pied, fur le bord de la
riviere. C’eft aufii un granit en maffe femblableà l’autre, à la couleur
près, qui eft rougeâtre; on le nomme dans le pays miarolo rojfo ;
tandis que le blanc de Monte Torfanb ,• fe nomme miarolo bianco.
La ftrudure du Monte Torfano ne me parut pas diftinde, mais la
montagne de Fariolo, me parut compofée de grandes lames verticales
dirigées du Nord-Nord-Ert au Sud-Sud-Oueft.
P lu s loin encore, fur les bords du lac Majeur, font les carrières
d e granit de Baveno, devenues lî célébrés par le feldfpath cryftallifé
qu’en a tiré le Pere Pin i , & dont il a donné une defcription connue
d e tous les minéralogiftes. Comme cet ouvrage ne fut publié qu’en
1779» & que je fis ce voyage deux années plutôt, les découvertes
d u Pere P in i n’étoient point encore connues , & je paifai près de ces
carrières fans les voir, & fans me douter de ce qu’elles renfermoient
d’intéreffànt.
O n fait, de ces deux fortes de granit, un très-grand ufage pour
J’architedure, le rouge fur-tout prend un très-beau poli ; on en confirait
de très-belles colonnes, des entablements, des efcaliers, &c. En
les obfervant avec attention, on voit que le blanc eft mêlé de points
ferrugineux qui produifent fa déconipofition, & que le feldfpath
qu’il renferme a fréquemment un oeil terreux- C’eft par ces deux raifons
que le blanc eft le moins eftimé.
A U X 1 S L E S B O R R O M É E S , Qutp. IX . 517
■§. 1774. V oilX donc une fingularité bien remarquable dans ce Oiferv*.
paflage des Alpes : le granit en maffe qui occupe la partie des monta- ’ 8
gnes la plus voifine des plaines, tandis que la cime du Griès & les
hautes montagnes du Val Formazza font du gneifs, ou du granit
veiné. Ce fait démontre bien que ceux-ci n’ont pas été formés des
débris du granit en maflè.
I l eft auffi bien curieux de voir ces gneifs & ces granits veinés,
en couches verticales à Guttannen; mélangées d’horizontales & de verticales
au Lauteraar; toutes verticales au Grimfel & au Griès; toutes
horizontales dans le Val Formazza, & enfin pour la troifieme fois
verticales à la fortie des Alpes, à l’entrée du lac Majeur.
§. 177;. En fortant du lac de Mergozzo, l’on entre dans un canal Les Isles
cr'eufé de main d’homme, pour joindre ce lac avec le lac Majeur. Ce j^rerû'
canal a près d’une demi-lieue de longueur. De l'on embouchure juf-
ques à l'Ifola Bella, on a trois-quarts de lieue de navigation , & on
paffe auprès d’une isle plate, alongée, qui fe nomme Ifola Supé-
riôre. On ne voit dans cette isle que les miférables huttes de quelques
pauvres pécheurs, & elle fait ainii à tous égards un étonnant
contrafte avec l’élévation & la magnifi cence de l'Ifola Bella.
C ’e s t fur-tout depuis le lac, & à une certaine diftance , qu’il faut
voir cette isle; il faut même en faire le tour à cette diftance. Ses dix
terraffes en étageres les unes au-deffus des autres, foutenues par des
arcades, & bordées de beaux orangers, ou couvertes de berceaux de
citronniers chargés de fleurs & de fruits, flanquées d’obélifques, &
ornées de ftatues, ont l’air d’un ouvrage de Féerie. Cet enfèmble étonne
fur-tout le voyageur qui fort des affreufes folitudes du Grimiel & du
Griès, & dont la tête eft encore remplie de leurs images.
Q u e l q u e s voyageurs modernes, ont affedé du dédain pour ces
isles; en effet,ce goût-là n’eft plus de mode: & moi aufii j’aimerois