3.6o M O N T A G N E S
plus de peine encore qu’en allant, parce que le bonhermitequi vou-
loit abfolument me fervir de guide, fe trompa * & nous enfonça dans
le plus épais du bois. Nous mîmes ainfi près de deux heures à faire ce
trajet & à monter à la cime ; qui du haut de la Latte nous avoit paru
la plus élevée. Mais au moins ne fûmes-nous pas trompés dans notre
attente: Cette fommité étoit vraiment la plus élevée & la plus avancée
dans la mer. La beauté de fa fituation me dédommagea d’ailleurs amplement
de mes fatigues. Jevoyois delà,comme fous mes pieds,une
prodigieufe étendue de côtes„ depuis le. cap du St. Hofpice, vis-à-vis
de Viïlefranche, jufqu’au cap Taillat; les islesde Lérins, Antibes, le
golfe de la Napoule, celui de Fréjus- H étoit intérefl'ant pour la géographie
phyfique de fuivre la. chaîne calcaire qui part de Nice, patfe
au-deffus de Gtaffe, fe prolonge à l’Queft & renferme la. maflè de
. montagnes primitives qui s’étend depuis Cannes jufqûa Hieres;,foeilfe
repofoit avec plaifir fur la riche & fertile vallée qui fépare ces deux
ordres de montagnes ; mais fe relevoit enfuite avec admiration fur les.
cimes neigées des hautes Alpes, qui couronnent au Nord tout cet
amphitéâtre.
Ni l’hermite ni mon guide, 11e iavoient donner un nom a cette fommité
; mais je crois qu’il faut la nommer la montagne du cap Roux »
puifqu’elle eft , comme je fai dit, de toutes, les cimes de cette côte la
plus avancée dans la mer. La montagne dé l’Efterel nous paroiifoit
bien un. peu plus élevée * mais elle eft beaucoup plus, avant dans les
terres.
J ’o b se r v e r a i à cette- occafion que là carte d’Antihes qui' forme le-
N°. 148 des cartes détaillées de l’Académie, place le cap Roux à
ïEft de la Napoule * tandis que la carte des triangles qui a dû- fervir
de bafe aux cartes détaillées, place ce même cap directement au Sud de
la Napoule. Les autres cartes,, celle Delamarche p. . . e . . . que j’ai.
fous les yeux, & celle de Robert de Vaugondy, placent auifi ce cap
comme il 1 eft dans la carte des triangles. D’ailleurs l’hermite nous dit
D U C A P R O U X , Chap. X X . x6l
que dans les anciens actes fa chapelle portoit le nom de Notre-Dame
du cap Roux. Je crois donc que cette cime mérite bien le nom que
je lui ai donné. Au refte, fi elle domine toutes fes voifines, ce rieft
pas que fa hauteur abfolue foit bien confidérable ; car je n’y trouvai
le baromètre que d’environ 18 lignes plus bas qu’à Fréjus, ce qui me
donna ajû toifes. au-deffus de cette ville, & ainfi. zy 1 au-deffus la mer.
§. 145.8- Ces trois fbmmités, fur deux defquelTes Je montai , & dont Tous ces
je côtoyai la troifieme , & tous les rochers que je rencontrai dans ce
trajet , font du mime porphyre rouge que j’ai déjà d é c r ittan te s les porphyre-
roches que l’on voit du haut de ces cimes jufqu’à leur pied dans la
mer, & en général toute cette côte, paroiffent être de la même pierre
& font au moins de la même couleur j. c’eft donc à bien jufte titre que
ce cap porte le nom de cap Roux.
Quant à leur ftruclure , j’ai toujours les mimes raifôns pour ne-
point ofer la décider trop affirmativement; cependant je trouvai très-
fréquemment des divifions que l’on pourrait confidérer comme des.
couches. Ces divifions parallèles entr’elles, & quelquefois verticales
& arquées, courent du,Nord-Eft au Sud-Queft„ ou du Nord Nord-Elfe
au Sud Sud-Queft. C’eft fur-tout la cime de la Latte qui les préfente
dans cette fituation- Car la plus haute & celle à laquelle je donne le
nom. du cap Roux, ne les a pas fi bien prononcées, & leur direction-
eft différente ; elles courent de l’Eft Nord-Eft ,' à l’Queft Sud-Queft.;;
& j’en vis. enfuite dans une autre montagne au Nord de celle-ci, dont
la fituation- étoit la. même,.
A c co u tum é aux plantes des cimes froides de nos montagnes, j’étofs;
étonné de voir celle-ci couvertes arboujiérs, d'ilex, de cijfes, de
fiéchades g à'afphodeles, & de trouver le laurier tin fteuri à’ côté de
de notre amélanchier. Je trouvai dans les bois au-deffous de l’Hernii-
miiage , la. tulipe fauvage, que je n’avois jamais vue auparavant.