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O n dit que c’eft à des moutons que l’on eft redevable de cette dé,
couverte. Un berger obferva que pendant les grandes chaleurs, fes
brebis alloient toutes mettre le nez contre terre de préférence fur certaines
places ; il y porta la main pour chercher la raifon de cette pré,
férence, fentit le froid qui en fortoit, & imagina d’y conftruire une
cave. En elfet, le vent frais fe fait fentir même en plein air.
D an s cette cave que je vis conftruire, iln’y avoit encore que le mur
du fond qui fût élevé , enforte que fa face extérieure étoit abfolument eu
plein air ; cependant le thermomètre, placé à l’entrée de ces foupiraux,
étoit à 4 degrés. J’enfoneai le thermomètre à 8 pouces de profondeur
dans la terre du fol de cette cave ouverte; ¡1 étoit là à 7 degrés, &
& pofé fur le terrein même à 8 ; mais fur le pavé d’une cave fermée,
il étoîî à 5 ; j’ai déjà d it, qu’à l’air libre, le thermomètre à l’ombre étoit
à 18,
C e t a i r f r o i d n ’ a a u c u n e q u a l i t é f e n f î b l e d i f f é r e n t e d e c e l l e d e l ’air
p u r r é f r o i d i a u m ê m e d e g r é , n i o d e u r n i f a v e u r p a r t i c u l i è r e ; i l n ’ o f f e n f t
n u l l e m e n t l a r e f p i r a t i o n . 11 f e r o i t c e p e n d a n t c u r i e u x d e l ’ a n a l y f e r ,
Le conftruéleur de ees caves, qui me parut un homme très - intelligent
, me dit, qu’il étoit bien perfuadé que cet air froid venoit de l’intérieur
de la montagne, & qu’il en fortoit parties crevaffes cachées fous
les débris ; mais que cependant on n’avoit connaiffançe d’aucune ca,
verne , ni d’aucune glaçiere naturelle-qui exiftât dans cette montagne,
& où les neiges puffent s’accumuler pendant l’hiver ; cette montagne
n’eft point non plus affez haute pour conferver des neiges viübles pendant
l’été. Et il faut que la çaufe de ce phénomène foit très-étendue;
car on m’affura qu’il y avoit de ces caves froides jufqu’à Capo d’i Lago,
à 8 milles de Caprino , & même jufqu’à Mendrifio qui eft. encore une
lieue plus loin. Il y. en a même fur la rive oppofée du lac. On dit aufli
qu’il y en a fur les bords du lac de Come ; & ce qui me le feroit aifé-
ment croire, ç’eft que j’ai.trouyé l’eau dç la fontaine internûtentç de
la maifori de campagne de Pline, fituée, comme on le fait, au bord
de ce lac , à 7 degrés & demi*
§. 141 r. Je terminerai la defeription de ces caves par celle d’Her- Clve9
Wweil T’eus beaucoup de plaifir à les voir, foit parce qu’elles font d’Hergifg
u w t iA . j a l t r 1 • w e u près
très-bien caractérifees, foit parce que ce font les leules que j aie vues de L '
en-decà des Alpes-, c’eft à M. le général P f y f f e r que j’en dois lacon-ne.
noilfance : il eût même la bonté d’y venir avec moi. Nous allâmes
d’abord par terre à Winckel, village à une lieue de la ville de Lucerne ;
¡ là , nous nous embarquâmes fur le lac, & en moins d’une demi-heure
i nn'us vînmes aborder auprès d’Hergifweil ; ce village, qui appartient au
canton d’Underwald, eft fitué au fond d’un petit golfe, & entouré -de
prairies & de vergers, dans un fite extrêmement champêtre & romantique.
A 10 minutes du village, au pied delà montagne, on trouve ces
caves froides, qui ne font autre chofe que de petites huttes toutes en
bois, excepté le mur du fond. Ce mur eft comme àLugan, appliqué
contre les débris accumules au pied du rocher. L es pierres dont ce
mur eft conftruitne font point liées par du mortier, & C’eft par leurs
interftices qu’entre dans la cave le vent froid ui fort des débris de
I la montagne.
L e 31 juillet 1783, à midi, le thermomètre à l’ombre, en plein air ,
I étoit à 18, 3 , & dans le fond de la cave a 3 , 3. Le maître de la maifon
nous affura que le lait s’y confervoit pendant trois femaines lans iè
■ gâter, la viande un mois , & les cerifes d’une annee a 1 autre. Auprès
[ de cette hutte, il y en a une autre femblable, ou l’on conferve de la
I neige, que l’on vend en été à Lucerne ; mais dans celle dont j obfervai
la température il n’y avoit point de neige. A côté de la hutte & fous
le même toit on faifoit du feu pour des ufages domeftiques, & on ne
craignoit point que ce feu nuiiit à la fraîcheur de la hutte. En hiver
il gèle dans ces huttes un peu plus tard qu’en plein air, mais enfuite,
à ce qu’on nous affura, plus fort qu’à l’air libre, fans doute a caufe du