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P A S S A G E D U M O N T - C E N I S .
Tufs. § . I 2J 4 - E n fortant de Lanebourg, on traverfe l’Arc pour la derniere
fois , les premiers rocs fur lefquels paffe le chemin font des tufs calcaires
; on les -rencontre à un quart de lieue du village.
Schiftes B ie n t ô t après on voit les fchiftes micacés qui forment réellement
calcaires ' e corPs ôe la montagne, mais que l’on trouve encore en quelques
endroits recouverts par des tufs. Ces; fchiftes contiennent de la terre
calcaire, fous une forme grenue & brillante, telle qu’elle eft dans les
montagnes primitives : elle eft même en allez grande quantité pour
que ces fchiftes falfent une effervefcence très-vive avec l ’acidenîtreux ;
& pour devenir friables après avoir féjourné dans cet acide, on verra
par la fuite que la terre calcaire & le micafe trouvent au Mont-Cenis
mêlés dans toutes les proportions ; depuis les pierres calcaires prefque
pures, où l’on ne voit que quelques feuilles de mica, jufqu’à la pierre
micacée , qui ne contient que peut ou point de terre calcaire libre ,
& dans laquelle le quartz remplit la place que la pierre calcaire occu-
poit dans les premières. Il y a cependant ceci de remarquable dans
ces fchiftes du Mont-Cenis, c’eft que ceux qui font calcaires, fe trouvent
rarement exempts de quartz, comme le prouvent les étincelles que
l’on parvient prefque toujours à en tirer avec l’acier ; & de même on
y trouve aufll très-rarement des micacées quartzeuzes, qui ne donnent
quelques bulles dans les acides, & qui étant réduites en poudre ne
perdent quelques grains de leur poids dans le vinaigre diftillé.
Ces fchiftes micacés calcaires ne font pas communs ; les auteurs qui
ont rédigé desfyftêmes de minéralogie ne les ont pas connus, ou du
moins
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moins ne les ont-ils ni claffés, ni dénommés dans leurs ouvrages. J’ai
décrit dans le fécond volume de ces- voyages, §. 996, ceux que je
découvris dans la vallée d’Aoft en 1778; mais dans ceux-ci la partie
calcaire libre n’eft jamais dominante, elle ne forme au plus que le
quart de la totalité de la pierre. Ceux du Mont-Cenis différent encore
par la couleur du mica , qui eft gris de fer ou tirant fur le bleu, au lieu
que celui de .la vallée d’Aoft eft blanc ou jaunâtre..
L es premières pierres de ce genre que l’on rencontre au-deffus de
Lans-le-bourg, ont leurs feuillets très-minces & très-fragiles; ils montent
à l’Eft Sud-Eft , fous un angle de vingt degrés ; plus haut, après
avoir paffé un petit pont, on voit ces mêmes fchiftes dans une fitua-
tion oppofée, ou montant à l’Oueft ; mais cette fituation eft accidentelle,
on peut dire qu’en général ils montent à l’Eft Sud-Eft, comme
la pente de la montagne. «
§. n j f . A près une heure de marche on arrive aux premières granges
de la RamaJJ’é. On fait que quand les neiges de l’hiver ont comblé
tous les creux & mis fur le même niveau toutes les inégalités de
la pente qui va du haut du Mont-Cenis jufqu a Lans-le-bourg ; les
voyageurs defcendent cette pente en cinq ou iix minutes , fur un traîneau
, qu’un feul homme affis devant le voyageur dirige avec une har-
dieffe & une habileté tout-à-fait extraordinaires. Cette maniéré d aller
s’appelle fe faire ramajfer, & les granges fitueés auprès du point,
d’où les traîneaux commencent à defcendre ont pris de la leur nom,
elles fe nomment la KamajJ'e.
Le plus haut point du Mont-Cenis eft encore a dix minutes au-deffus
des premières de ces granges, un peu au-delà d’une grange qui fe nomme
le Meut ; c’eft-là que j’ai obfervé le baromètre en 1772 & en
I7B7- M, P i c t e t l’obferva à la même place dans notre voyage de 1780.
La moyenne entre ces obfervations donne a cette place 548 toifes au-
deffus de Lans-le-bourg, & 1060 au-deffus de la Méditerranée. Une
H
La Ramifie.