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pluies, des neiges, des glaces, des pierres même qui en gliffant &
roulant fur elles leur ont donné ces formes arrondies.
Je dois cependant ajouter, qué ces formes aiguës ne dépendent pas
feulement de la nature de la pierre, mais aufli de la fituation des couches
de la montagne. En effet, on obferve ces mêmes formes dans
les montagnes calcaires, lorfqu’au degré de dureté dont elles font
fufceptibles, elles réunifient une ilruclure en couches verticales , ou
très-inclinées.: & réciproquement , les granits les plus durs, lorlque
leurs couches font horizontales, ou à peu près telles, peuvent avoir
des fommités ou plates ou arrondies, & nous en verrons des exemples
dans ce même voyage.
Chaîne §. 1708. Q u a n t à la chaîne qui borde au Sud le glacier de l’Obe-
glacier llU raar &Pa vallée, elle n’eft fûrement point de granit, mais d’une pierre
d’Oberaar. fchifteufe en état de décompofition. Les montagnes qui compofent cette
chaîne n’ont ni formes prononcées, ni grands efcarpements ; on y
voit des cimes de deux ou trois cents toifes plus hautes que le lieu
d’où je les qbfervois , & par conféquent d’environ 1300 toifes , &
dont l’accès paroît très-facile. Voilà tout ce que je vis de cette fom-
mité; car,pour les hautes cimes duFinfteraar du Sc-hreckhorn, elles
étoient enveloppées de nuages qui, pour la fécondé fois, m’en dérobèrent
entièrement la vue.
l’H«rt?cer “ §‘ I7° 9' M°N gUÎde me propofa de me amener par une route nou-
0 pice- velle, & je l’acceptai avec plaifir. lime fit tirer à rEft, & traverfer les
triftes & fauvages pâturages de l’Oberalp, qui brûlés alternativement
par le foleil & par la blanche gelée, & étouffes par les lichens coral-
loïdes , fe brifoient en craquant fous nos pieds. L ’unique habitant de
de ces folitudes eft la perdrix blanche, qui fe nourrit des bourgeons du
Salix herbacÉa, très-abondant * dans ces prairies. Une de ces perdrix fe
leva fous nos pieds, de fon nid conftruit fur la terre , fans autre abri
qu’une pierre, au Nord de laquelle il étoit placé. Ce nid renferpoit
D E L ' O B E R A A R , C.hap. V. • 47 y
huit oeufs d’un brun clair, tacheté d’un brun plus foncé ; j’eus bien
foin d’empêcher qu’on ne les dérangeât.
Je ne vis dans ces pâturages élevés qu’une feule plante un peu rare,
c’eft l'antherknm ferotimm. M. de H a l l e r obferve avec bien de la
raifon, que l’épithéte de tardive ne convient point à cette plante,
puifqu’elle eft une des premières à fleurir fur les terreins que la neige
abandonne-
Au fortir de ces prairies , j’eus pendant près de deux heures à traverfer
des entaffements de blocs de granit, dont plufieurs s’étoient
détachés de la montagne dans le cours de cette même année. On
reconnoiffoit très-bien les vuides qu’ils avoient laiffés. C’eft une fatigue
& Un ennui, dont on a de la peine à fe faire une idée, que de
faire deux lieues de fuite au travers de ces grands blocs, dont les
faces planes, liffes, & inclinées dans tous les fens, vous jetteroient,
fi le pied vous gliffoit, contre les angles tranchants d’un autre bloc;
& où il faut ainfi avoir une attention continuellement foutenue, pour
pas le caffer les jambes ; cependant, quoiqu’encore indifpofé & bien
fatigué, j’eus le bonheur de ne pas faire un faux pas ; mais je ne con-
feillerois à perfonne de palfer par cette route. D’ailleurs, ces fragments
ne préfentent aucune variété intéreffante; ce font tous, ou des granits
veinés ordinaires, ou des .granits veinés avee des rognons de quartz
comme ceux de Valorfine, §. <¡90.
J ’a v o i s fous mes pieds, dans cette route, la vallee du Lauteraar,
dans laquelle l’Aar ferpente & fe divife de maniéré à former un point
de vue très - agréable. Et comme j’allois du côté du Grimfel, ayant
toujours les yeux fixés fur la chaîne qui borde fon paffage ; je confirmai
,i & bien en détail, mon obfervation fur les cimes crenelées &
aiguës de ces montagnes à bafes arrondies ; & je vis enfin que de 1 Hol-
pice même on en voit affez pour fe convaincre de la jufteffe de cette
obfervation. Ooo z